Départ : Linthal (700 m)
Topo associé : Jungfrau, Traversée de la suisse – Est / Ouest
Sommet associé : Jungfrau (4158 m)
Orientation : T
Dénivelé : 10000 m.
Ski : 3.3
Sortie du mardi 14 avril 2015
Conditions nivologiques, accès & météo
Grand beau temps sauf une journée ua milieu du raidEtat de la route : Transport en commun.
Altitude du parking :
Altitude de chaussage (montée) : 1368: neige à la sortie du train dès Oberwald.
Altitude de déchaussage (descente) :1540: quasi pas de portage jusqu'à Blatten.
Activité avalancheuse observée : ras
Skiabilité : 😐 Correcte
Compte rendu
Avec Benoit,christophe,pascal,Yves
D'Oberwald à Blatten
C'est un peu comme dans une thèse, on va commencer par des remerciements aux indispensables sans lesquels je n'aurais pas eu la base indispensable à ce raid;
Merci à Skitour pour sa base de donnée de plus en plus vaste.
Merci à Ruth et Frred qui ont publiés ça il y a maintenant 5 ans.:
www.skitour.fr/sorties/jungfrau,28047.html
Merci à Bertrand de C2C qui m'a renseigné il y a quelques années sur le passage aléatoire du tunnel proche des barrages initiaux.
Et enfin: vielen dank den Hausmeister von Hutte: Erna von Bachlitalhutte und Gaia von Oberaarjochhutte und die anderen von Konkordia und Hollandia hutte.
La réalisation de ce raid cette année tient du miracle: combien de fois avons nous cru puis ajourné puis repoussé voire annulé le départ; la météo a joué avec nos nerfs pendant 3 semaines et le départ a été vécu comme une libération.....
Ces choses étant posées, après avoir débuté cette traversée de la bordure nord des Alpes Suisse il y a 3 ans:
www.skitour.fr/sorties/todi,40482.html
et
www.skitour.fr/sorties/dammastock,41977.html#sortie
arrivait le gros morceau de l'Oberland Est.
Ce massif est particulièrement compliqué à traverser d'une traite dans le beau temps, les perturbations prenant un malin plaisir à s'y attarder plus ou moins durablement, rendant la progression définitivement ininteressante tant le plaisir d'un raid par là-bas y est avant tout visuel.
Les glaciers y sont démesurés ( plusieurs km pour certains) rendant les approches très très longues, les sommets cernant ces glaciers sont autant de cathédrales de glace bleue suspendues au dessus des abimes.
Tout est démesuré, l'entrée non mécanisée dans cet inextricable enchevêtrement est longue, tout aussi bien que sa sortie....
Notre projet était ambitieux avec quelques étapes de plus de 2000m de D+ à plus de 3000m dans des zones peu fréquentées avant de rejoindre la mecque du ski alpinisme: Konkordiaplatz et l'Aletschgletscher.
L'approche de la région, comme d'habitude, se fera sans voiture: c'est si simple: on va ou on veut en train et bus et quand on sort, il y a toujours un bus pour vous ramener à une ligne de chemin de fer qui rejoint Genève ou autre....Le déplacement multimodale y est roi et faire un raid en Suisse en bagnole est un poil absurde.
Il y a trois ans nous avions donc rejoint le village d'Oberwald après avoir traversé le massif du Dammastock; c'est donc depuis ce village que commencera le raid:
Mardi 7 avril:
Aerocar Grenoble-Genève puis train jusqu'à Biel Goms ou nous sommes accueillis comme des princes à l'hotel Weisshorn avec une bière de bienvenue.
Mercredi 8 Avril:
Nous sautons dans le petit train rouge pour 20 minutes pour rejoindre Oberwald ou on chausse les skis en sortant du train. Le chemin monte régulièrement jusqu'au Grimsel pass ou nous basculons véritablement dans le coeur du massif; nous entrevoyons au loin les premiers hauts sommets mais en ce qui nous concerne, le sommet de la journée va être le passage d'un tunnel que nous n'espérons pas totalement obstrué par la neige tant le contournement est scabreux tant par le haut que le bas.
La descente se fait dans une neige plutôt sympathique, une arrivée au dessus d'une barre obligeant Ben à un contournement délicat puis tout déroule;
Nous franchissons le premier barrage rive droite avant de descendre vers le tunnel qui nous ouvre les portes du second barrage. Cette année, sans être de disette, est tout de même une année un peu pauvre en neige, même en Suisse. C'est ce qui nous sauve, le tunnel n'est que partiellement obstrué et son franchissement s'effectue sans problème.
Nous rejoignons le fait du second barrage qui se traverse lui aussi sans souci.
Il ne nous reste donc plus que la remontée à Bachlitalhutte, gardée par la sympathique Erna qui se met en 4 pour satisfaire les randonneurs. J'ouvre la marche à la montée et suit une bonne trace qui mène rapidement au plateau supérieur. J'ai pris une bonne avance et mes 4 compagnons me font signe 150m plus bas; je leur fais signe que le refuge est bien devant et je les vois disparaitre . Un coup d'oeil rapide au gps me confirme que je n'ai pas dépassé encore le refuge; mais rapidement je dois me rendre à l'évidence: je suis trop haut...
Demi tour et je redescends 150 m pour rejoindre le bon itinéraire; j'arrive bon dernier sous la Hola des amis qui légitimement ne se privent pas d'enfiler bière sur bière à mon compte...;-)))
Content que l'une des premières incertitudes se passe finalement si bien, on aborde la seconde journée gonflé à bloc et il va le falloir: 2400 m de D+, 43 km de glaciers à traverser; c'est l'une des journées majeures du raid dans la partie nord-est de l'Oberland ou les renseignements ne fusent pas.
Jeudi 9 avril:
Départ très tôt pour le premier col, l'Obribachlilicken; 750m de montée et premier glacier; 2 échelles permettent d'accéder au col puis un équipement cablé permet d'en redescendre sur 30 m environ. Il y a deux ans, il y avait tellement de neige que les cables étaient totalement masqués et la pente de neige régulière se descendait à skis...
S'en suit une excellente descente en poudreuse sur 900m sur le Hiendertellti jusqu'à un lac non nommé; ça nous épargne bien les cuisses pour la suite des évènements.
S'en suit l'interminable remontée du Gauligletscher avant la remontée finale jusqu'au Roseneg à 3470m.
Il fait une chaleur de plomb, la remontée est interminable et les dernières pentes sous le Rosenegg se font à une vitesse d'escargot avec les sacs bien lourds;
La décision de basculer plein Sud-ouest est terriblement difficile: on est tous bien entamé ( déjà 2000m dans les pattes) pas d'échappatoire simple vers le bas, il faut impérativement passer le Lauteraarsattel qui nécessite 250m de remontée.... puis redescendre encore au moins 10 km du Lauteraargletscher, puis remonter 150m à la Lauteraarhutte non gardée.....
La vue du Rosenegg est juste somptueuse: Eiger face nord, Mönch, Schreckorn, Jungfrau... tout ça sur un premier plan de séracs vertigineux de partout... La descente promet d'être d'anthologie et cette promesse l'emporte sur la raison; après avoir mangé un peu, quasiment épuisé nos réserves d'eau, nous nous élançons dans la descente qui tient toutes ses promesses; il n'y a plus de mot pour décrire ce spectacle dans une neige revenue à souhait qui ne trompe pas. On est immergé, cerné par ce spectacle de la nature brute dans tout ce qu'elle a de plus incroyable à nous montrer. Quelle humilité et pourtant on sent qu'il faut avancer; il est 16h45 quand on arrive en bas;
On pense sortir le col en 1h; Yves se colle à la trace; Parvenu 80m sous le col, la face se raidit fortement et on décide de mettre les skis sur le dos; erreur: il y a une rimaye à franchir et on enfonce trop;
Remise des skis et on sort au couteau; on trouve rapidement le passage, un peu à gauche de la croix marquant le lauteraarsattel sur la carte, une main courante et tout le monde est de l'autre coté.
C'est gagné, le reste ne devrait être que formalité; La descente du Lauteraargletscher est loin d'être d'anthologie; il est à l'ombre et ç'est crouté sur 10 km.
Le glacier fait un angle à gauche et là, on aperçoit tout en haut perché, la Lauteraarhutte. On poursuit la descente et brutalement une trace bifurque vers la paroi, sous le refuge, jusqu'à un cheminement d'échelles. Il doit donc y avoir 2 accès: l'un plus au sud, doux, à skis et l'autre par les échelles;
On fait le choix des échelles, il est 20h; ça ne devrait pas être long.
Mais il est dit qu'aujourd'hui nous boirons le calice jusqu'à la lie: l'un de nos compagnons ne se sent pas de monter les 230m d'échelles sans assurance; nous mettrons 2 h pour accéder au refuge en sécurisant toute la montée. Nous y arrivons à 22h45, les skieurs sont déjà couchés.
Heureusement il y a de l'eau qu'on fait rapidement bouillir grace à notre réchaud à essence. On mange et on boit pendant plus d'1 heure; ça va déjà beaucoup mieux
Un skieur descendu du dortoir nous dit qu'il n'y a plus de place pour se coucher... Décidément...
2 d'entre nous arrivent à se glisser entre deux dormeurs, les 3 autres descendent des matelas dans la cuisine.
Assurément une journée qui va nous marquer un bon moment, on a bien débriffé par la suite... cet aléas du refuge nous a couté 1h30 environ. On aurait sûrement fait demi-tour au Rosenegg si on avait su...Par ailleurs tout le monde était bien entrainé ce qui a permis de se sortir de ce mauvais pas.
Inutile de dire que le lendemain, le départ ne se fait pas à l'aube...
Vendredi 10 Avril
On décolle à11h pour une remontée non tracée dans ce sens de 1200m puis une grande traversée pour parvenir sous l'Oberaarjoch. De là 50 m aisé nous amène à l'Oberaarjochhutte qui vient d'ouvrir.
Les jambes sont un peu lourdes et la perspective de se reposer 24 heures à la hutte à cause d'une dégradation météorologique de 24h fait plaisir à tout le monde, les reliquats des 15h non stop étant bien là ;-)))
Samedi 11 avril
Repos à l'Oberaarjochhutte, bichonné par Gaia, gardienne du refuge, absolument adorable. Alors que le ravitaillement hélico a été ultra succint, elle arrive à nous faire des merveilles culinaires...
La prévision météo confirme une amélioration dès le début de soirée et nous préparons le cheminement du lendemain.
Dimanche 12 Avril
Départ vers 7h30 direction le Wysnollen, véritable belvédère suspendu au dessus de l'Aletschgletscher. La descente depuis le refuge est facilitée par les 5 à 10 cm de fraiche de la journée précédente et rapidement il fait très chaud et sans vent.
La montée au sommet est rapide, et le panorama à 360° est somptueux: pas de vent, on peut savourer cette vue sur les étendues glacières infinies vers les Fiescherhorn, le Lötchenlücke et la Jungfrau.
Descente idéale dans la neige réchauffée face au Finsteraarhorn, le maitre des lieux puis remontée brulante au Grünhornlücke qui permet de basculer sur konkordiaplatz carrefour des géants: Grosser Alteschfirn, Jungfraufirn, Aletschgletscher, Grüneggfirn et Ewigschneefäld.
La vue sur le Lötschenlücke au loin à 20 km laisse pantois. De partout cascadent les séracs et les crevasses, les distances à parcourir n'étaient pas si facile à appréhender sur les cartes.
Descente parfaite au pied de konkordiahutte puis remontée des escaliers sur 110m de D+.
Pas tant de monde au refuge mais c'est quand même le retour à la civilisation: bar sur la terrasse plein sud: un vrai plaisir qu'on ne boude pas....
Après avoir rencontré Quentin la veille à l'Oberaarjoch, très fort skieur alpiniste et très chaleureux,avec son collègue autrichien, nous décidons de nous joindre au moins de loin à la montée du lendemain à la Jungfrau; il semble qu'un groupe d'Allemand y soit monté l'avant-veille mais les traces restent peu visibles; puis nous remonterons vers le Louwitor pour basculer sur le Kranbergfirn et éviter ainsi les 2/3 de la remontée fastidieuse de l'Aletschfirn pour rallier Hollandiahutte.
Lundi 13 avril
Debout à 4h, départ skis au pied vers 5h15, on remonte à un bon rythme le Jungfraufirn et c'est déjà avec quelques km dans les pattes que nous nous retrouvons au pied de la remontée sud ouest béton et boulesque de l'épaule menant au Rottalsattel.
J'adore...;-))) je décide donc de mettre les skis sur le sac et de remonter à pied les 150 m; je ne vois évidemment pas la rimaye dans laquelle je m'engouffre gentiment jusqu'à la taille; aidé par Yves qui me tire en arrière, je me repousse avec un pied pour en sortir. Avertissement sans frais, on est pas en Chartreuse.
On rechausse les skis, on passe la rimaye et on trouve une trace à pied qui monte droit dans la pente. On re-déchausse et 15mn plus tard nous voilà sur l'épaule ou on rejoint Ben et Christophe qui n'ont pas déchaussé.
S'ensuit une remontée aisée de l'épaule jusqu'au pied du Rottalsatel.
Je vois Quentin franchir au forceps la rimaye, il reste encore 300m pour le sommet en neige dure (on l'apprendra plus tard). Il est déjà 10h30; Je n'y crois plus trop. On signe le but pour le sommet avec un peu de déception, Christophe fait un aller retour rapide au Rottalsattel, mais la route est encore longue pour Hollandiahutte.
Descente de l'épaule puis jonction rapide avec une trace bien raide menant au Louwitor; les séracs sont immenses tout au long de la trace, tout est dans la démesure.
Arrivée au Louwitor, cueilli par un bon vent de sud, on ne traine pas et on entame une descente dantesque, pas par la qualité de la neige mais par la hauteur des séracs, la profondeur des crevasses, l'immensité du glacier, c'est devenu une constante.
On photographie dans tous les sens sous tous les angles: quel spectacle.
La jonction rive droite nous amène bien loin sur l'Alteschfirn et il ne doit nous rester que 2 ou 3 km de glacier à remonter pour rejoindre Hollandiahutte.
Accueil au top ou on dévore la spécialité culinaire bien légère du coin le Rosti: patates, fromages, jambon fumé et oeuf ayant oublié les sandwiches à konkordiahutte.
Mardi 14 avril
Fin du raid; on va quand même se faire un dernier à sommet à quasi 4000m, l'Abeni flue. Il fait beau quasi partout mais un voile opaque ua dessus de l'Oberland obscurcit le soleil.
il n'y a que 700m de D+ mais un peu de distance. Le glacier est très très crevassé au dessus du refuge avant de rejoindre un plateau assez tourmenté aussi en rive gauche.
Puis c'est droit au sommet ou on arrive dans les bourrasques de vent.
Vue à nouveau imprenable sur le bassin d'Alesch et la Jungfrau.
On ne traine pas au sommet, il faut rejoindre la vallée à Blatten pour enchainer les bus et les trains pour rejoindre Grenoble.
La descente est acceptable jusqu'au refuge, puis la neige n'étant pas transformée, c'est neige dure trafolée pendant 1500m puis jonction avec la route non déneigée heureusement jusqu'à Blatten.
Le bus arrive 30 mn plus tard et tout s'enchaine jusqu'à Grenoble à 20h;
A 4000m sur l'Abeni flue à 10h30 et à 20 h à Grenoble. Miracle du transport en commun Suisse.
Encore un raid somptueux, en excellente compagnie pendant ces 7 jours.
Avoir une si belle météo semble tenir de la gageure, on a eu de la chance et surtout la possibilité de repousser ce raid.
Enfin toujours un immense merci à mes camarades de jeu Benoit, Christophe, Pascal et Yves capable de supporter sans (presque) râler mes caprices de dénivelées...;-))))
A faire absolument dans sa vie de skieur alpiniste amateur d'un esthétisme sûrement sans équivalent en Europe!!!!!!!