Départ : la Bérarde (1720 m)
Topo associé : Rouget, Brêche du Rouget Face Est
Sommet associé : Rouget (3418 m)
Orientation : E
Dénivelé : 5300 m.
Ski : 5.1
Sortie du vendredi 3 mai 2019
Conditions nivologiques, accès & météo
J1 : Grand beau frais, iso 0°C vers 2700m
J2 : Beau le matin puis chutes de neige vers 1800m
J3 : Variable avec averses de neige jusque vers 1600m.
Globalement peu de vent sur le séjourEtat de la route : ok
Altitude du parking : 1639m
Altitude de chaussage (montée) : 2200m
Altitude de déchaussage (descente) : 1800m (ça devient juste sous 1900m)
Activité avalancheuse observée : Coulées de neige lourde le jeudi. Petites plaques en place vendredi mais peu de neige mobilisable !
Conditions neige du secteur
Pour résumer, le bas est de plus en plus sec, le haut c'est un peu plus blanc.
Aiguille du Plat de la Selle
- Au Grand Creux, on chausse vers 2200m, plus de langue de neige en dessous. Aiguille très sèche cette année...
- Passage du Graou bien enneigé dans les deux sens (un peu de cailloux en Ouest).
Soreiller La neige semble descendre jusque vers 2100/2200m
- Col du Plat encore enneigé mais il a bien purgé (surement pas très bon)
- Col de Burlan bien enneigé
- Col Occidental du Soreiller sec
- Col Oriental du Soreiller en condition (bien tentant ce jour)
- Col Nord du Plaret : La rampe était blanche (pas vu de près)
- Brèche du Rouget Ouest : Une étroiture limite mais ça passe encore sans déchausser pour la branche de gauche, branche de droite en condition.
Etançons Enneigement continu sous 2000m (probablement vers 1900m)
- Brèche du Rouget : ça passe mais ce n'est pas bon (goulotte).
- Ravin du Cros Arena encore enneigé mais plein de boules !
- Casse Déserte bien enneigée
- Col du Pavé en neige
- Vallon de la Tête du Replat (Est) : Un passage de 50/100m de D+ déneigé au-dessus du Châtelleret, sinon c'est ok.
- Brèche du Rateau : Enneigé et top, ravin du bas enneigement pourri, il faut que ça regèle.
- Col du Chamois : Deuxième partie du couloir sèche, surement un peu de mixte.
- Brèche de la Meije bien enneigé, top.
Vallon de la Selle L'enneigement remonte vers 1800/1900m rive gauche, 2100m rive droite.
- Râteau SW en condition
- Brèche du Râteau, inskiable, rappel de 30m à prévoir.
- Tête du Replat en condition
- Couloir de Pointe Marie Louise paraît en condition
- Brèche de la Gandolière : Le bas ok, pas vu le haut
- Col de Burlan, le haut est mieux rempli mais le bas truffé de boules
- Couloir du glacier suspendu : Grosse purge surement inskiable;
Tête de Lauranouse
Ca chausse vers 1700/1800m, le ressaut semble être presque comblé (vu de loin);
Autres secteurs vu de loin
- Couloir NW de la GAB : Bien blanc
- Saint-Maximin : Bien blanc
- Tête des Fétoules : l'enneigement remonte...
- Dôme des Ecrins - Mayer-Dibona : Sec !
- Glacier Long : En glace :(
Nota sur la cotation de la brèche du Rouget
Je trouve le couloir très raide. Certes, il n'est pas très long mais il est quand même bien au-dessus de 45° sur 300m avec un départ à plus de 50°, j'ai vu que les avis sont relativement unanimes pour placer la cotation à 5.1 mais c'est quand même bien engagé. Pour l'exposition en tout cas, ce n'est clairement pas E1 mais plutôt E2 voir E3, au début, on est un peu au-dessus des rochers et il ne faut pas tomber.
J'ai essayé de donner un maximum de détails sur ce que j'ai pu observer, je ne connais pas non plus tous les itinéraires, certains ont pu m'échapper ;).
Lieu | Alt. | Ori. | Heure | Qté. | Type | Com. |
---|---|---|---|---|---|---|
Passage du Graou | 3014 - 2450 | E | 09h30 | 2/??? | Moquette | Très bonne moquette 4* (un peu de poudre à l'ombre de la Marsare) |
Brèche du Rouget W | 3321 - 3100 | W | 15h00 | 2/??? | Irrégulière | Pas génial mais ça skie bien 3* (un peu de poudre en haut puis transfo) |
Sous la Brèche | 3100 - 2720 | SW | 15h30 | 5/??? | Transfo lourde | Ca skie bien 3* |
Brèche du Rouget E | 3321 - 3000 | E | 10h00 | 2/??? | Irrégulière | Goulotte au milieu, mauvais 2* |
Glacier Arena | 3000 - 2400 | E | 10h30 | 2/??? | Moquette | Un bonheur ! 5* |
Cros Arena | 2400 - 2000 | E | 11h00 | 10/??? | Soupe | Pourri ! 2* |
Brèche de la Meije | 3357 - 2480 | S | 08h30 | 15/??? | Poudre | On sent un peu le fond traffolé mais génial ! 4* |
Brèche du Rateau | 3235 - 3150 | W | 12h00 | 0/30 | Dure | Inskiable 0* (rappel pour nous) |
Glacier de la Selle | 3150 - 2200 | W | 12h30 | 15/??? | Poudre | Géniale en haut, plus lourde en bas 4* |
Fin du Vallon | 2200 - 1800 | W | 13h30 | 50/50 | Soupe | Pourrie jusqu'au sol 1* |
Skiabilité : 😐 Correcte
Compte rendu
Avec Pol
J1 : St-Christophe - Passage du Graou - Descente jusque vers 2450m - Soreiller - Brèche du Rouget en A/R - Soreiller D+2500m / J2 : Brèche du Rouget - Plat des Etançons - Promontoire D+1700m / J3 : Promontoire - Brèche de la Meije - Point 2480m - Brèche du Rateau - St-Christophe D+ 1100m
Un récit d'un tel voyage se commence en remerciant ceux qui nous en ont donné l'idée. Cette idée de tour s'est immiscée dans ma tête un jour d'Avril, lorsqu'au détour d'un couloir fraîchement descendu, je rencontrai Steph_, Claire, Jean-Marc et Philippe partis pour un fabuleux voyage dans l'envers des Ecrins. Dès lors, cette idée a germé et j'ai cherché des passages, des faiblesses dans cette montagne plus connue des grimpeurs que des skieurs. Et puis, il y a eu l'opportunité, deux jours à poser et l'ami Pol disponible. Malgré une météo annoncée plus que moyenne, c'en était assez pour nous lancer. L'affaire n'était pas simple. Nous savions d'avance que l'entreprise serait rude.
L'histoire commence par un portage de 600m de dénivellation positive au-dessus du vallon du Vénéon. Le sac remplit de matériel de rappel, de sécurité glaciaire ainsi que de tout le nécessaire pour trois jours en autonomie n'aide pas à maintenir notre moral. Nos pauvres épaules ont eu le temps de nous maudire. L'Aiguille du Plat de la Selle est toujours aussi sèche. Nous préférons regarder du côté de Lauranoure pour observer des paysages maculés de blanc. Le passage du Graou s'atteint vite. Cette porte d'entrée méconnue du Soreiller nous ouvre un paysage grandiose ! Des centaines d'hectares de neige sans aucune traces. Nous nous sentons l'âmes d'aventuriers aux portes de Grenoble, le sentiment est bluffant. La qualité de la neige est d'abord au rendez-vous avec cette petite moquette à Poil ras pour l'en-cas de 10h, alléchant pour la suite...
Nous repeautons juste au-dessus des barres à 2400m pour aller chercher le Soreiller. La dibonna se dévoile, grandiose, pointée vers le ciel. Veut-elle nous dire quelque chose ? Devons-nous lui faire une offrande pour maintenir une météo clémente le reste du week-end ? Derrière elle, une barre rocheuse indomptable, très peu de blanc au milieu de ces rochers. On sent le milieu est hostile au skieur de randonnée. D'ailleurs, à l'entrée du refuge, le ton est donné. Une bonne grimpe est souhaitée mais aucune notion de glisse ou ski-alpinisme. Ce sport semble être oublié de ce vallon. Bref, après une micro-sieste pour nous approprier les lieux, nous repartons en direction de la brèche du Rouget. D'une pour rassasier l'ami Pol, insatiable, de deux, pour repérer par beau temps le passage. Cette brèche (la seule avec le col nord du Plaret) dans cet environnement minéral est moins raide qu'elle n'y parait depuis le Graou. Pol fait des marches magistrales et nous parvenons à ce trou de souris. C'est le nom que nous lui donnons, tellement l'ouverture entre les deux vallons est étroite. Du côté des Etançons, cela semble mal enneigé mais pas infranchissable, nous verrons demain. Pour l'heure, place à la descente de ce couloir. Le haut est relativement bon dans une neige récente tout juste réchauffée, le ressaut passe presque sans encombre (juste une petite prière pour qu'aucun rocher n'accroche la semelle) puis vient la partie centrale bien amoché par les coulées. Heureusement, la neige est souple et permet un ski correct. Dessous, la neige un peu trop alourdie m'incite à rejoindre directement le refuge. Pol, lui descendra un peu plus bas.
Au matin du deuxième jour, nous démarrons les machines vers 7h. Même si la descente est en face Est, les 600m de dénivelé séparant le refuge de la brèche ne nous incitent pas à partir aux aurores. Au sommet, peu avant 9h, nous décidons de poser le rappel. Le rocher est branlant et une étape de purge s'avère nécessaire avant de mettre en place la cordelette. C'est le premier rappel pour Pol. Le temps de m'assurer que tout est ok pour lui et de réaliser toutes les manips, le temps se bâche. La suite du couloir, sorte de faille dans la falaise, est raide et un peu exposé tout de même. Je m'amuse à mesurer à plusieurs endroits la pente. Je ne tombe jamais sous les 46/47°, flirtant régulièrement (voire en dépassant quelque fois) la barre des 50° et ce sur près de 300m. En plus de cet aspect, le couloir est gouloté, bref, la descente ne sera pas une grande partie de plaisir. Dessous, une moquette royale nous attends, on tape de la grande courbe et nous avalons rapidement les 600m de d- avant le Cros Arena. Ce dernier, bien qu'encore enneigé est mauvais à skier entre boules et neige pourri. Retour sur le plat vers 11h, il ne reste "plus" qu'à remonter au Promontoire. Au cours de la montée, le mauvais temps nous enveloppe. C'est sous une fine neige régulière que nous parvenons au refuge. Pas d'extra ce jour, le mauvais temps nous incitant plus à profiter de l'hospitalité de Sandrine et Jean-Luc au Promontoire;
Vendredi matin, le temps est bouché à notre réveil. Nous patientons avec les deux autres groupes au refuge jusque vers 7h. Le Rateau choisit ce moment pour sortir de la brume resplendissant de mille feux avec sa nouvelle peau blanche. C'est le gong de départ. Tout le monde s'active. Avec Pol, nous sommes les premiers à fouler les 15cm de nouvelle neige; Nous traçons jusqu'à la brèche. Là, le brouillard, nous incite à abandonner notre idée première -> Rallier le Rateau par le glacier de la Meije. On active le plan B, retour par la brèche du Rateau. Cela nous envoie dans 900m de poudre sans trace, le bonheur au brouillard près. On cherche l'entrée du vallon de la brèche en longeant le plus près possible les barres rocheuses. Là un premier vallon sans trace ? pas possible, nous poursuivons.. Enfin, nous parvenons à une large faiblesse où de vieilles traces à peine recouvertes semblent descendre, ce doit être là. La remontée est chaude ! La neige déjà pourrie par l'humidité n'aide pas à trouver notre rythme. Puis comme par enchantement, le ciel se dégage franchement nous laissant un paysage époustouflant ! La reine Meije, fraîchement repeinte, se dresse fièrement devant nous ! On stoppe nos efforts devant ce spectacle. Les appareils photos sortis, nous tentons d'immortaliser ce moment unique. J'aime le ski de randonnée pour ces moments incroyables et uniques ! Nous parvenons à la brèche sous un soleil de plomb, il chauffe le con en mai !. Nous serons cependant rapidement refroidit par le petit vent venu de la Selle. De l'autre côté, le couloir est dégarni. On choisit la sagesse et nous pesons un second rappel. De retour sur le glacier de la Selle, nous profitons d'une ultime éclaircie pour nous laisser glisser jusqu'à St-Christophe, savourant ce moment unique et la joie d'avoir pu boucler un si beau tour. C'était à 75% le plan A imaginé sur le papier, il ne manque juste que le SW du Rateau, il faudra revenir.