Départ : Les Trois Fontaines (980 m)
Topo associé : Rochers du Lorzier, par la Velouse
Sommet associé : Rochers du Lorzier (1838 m)
Orientation : NW
Dénivelé : 1600 m.
Ski : 2.3
Sortie du dimanche 9 février 2020
Conditions nivologiques, accès & météo
Beau temps sans conteste. Mais, fortes rafales de vent handicapantes en J2.
Etat de la route : RAS
Altitude du parking : 780m
Altitude de chaussage (montée) :
J1:1350m (400m avt la Combe des Veaux) - déchaussage sur 200m plus haut
J2 : 1550m (Cabane de Jusson) déchaussage sur 200m au-dessus de la Combe des Veaux et sur 100m avant la Velouse
Altitude de déchaussage (descente) :
J1 : 1550m à la cabane de Jusson
J2 : un déchaussage sur 100m après la Velouse puis à 1350m 400m après la Combe des Veaux
Vu le ratio portage/ski on peut estimer la skiabilité médiocre bien que je sois toujours gênée de qualifier de médiocre ce qui m'a donné du plaisir....
Ce qui a été skié en continu c.à.d
- la descente de Lorzier sur la Velouse - orientation N était plutôt correcte, les zones dures étant bien lisses et parfois évitables, et le bas très bon avec encore de la belle poudre
- la descente de la croupe au-dessus du Col de la Sure sur la Velouse - orientation S - était parfaite
Activité avalancheuse observée : la Montagne est comme un sphinx, immobilité parfaite
Skiabilité : 😟 Médiocre
Compte rendu
J1 – Trois Fontaines/Pas de la Miséricorde/Combe des Veaux/Cabane de Jusson – D+ 825m - J2 Cabane de Jusson/Combe des Veaux/La Velouse/Col d'Hurtières/Rochers de Lorzier (arrêt à 1800m env. à la brèche au S du Goulet de Lorzier)/Col d'Hurtières/La Velouse/Pt 1750m à l'W du Col de la Sure (sur l'itinéraire de montée E de la Grde Sure/ Retour 3 Fontaines par la Velouse/Combe des Veaux/Pas de la Miséricorde – D+775m
J1
Dire que je ne le savais pas, serait carrément mentir. La Sure, face W, je la vois de chez moi, donc je savais. Je savais qu'elle était aussi pelée que le Mont Chauve et que la nuit serait claire. J-1 de la PL. Au jour J, de fortes chances que le ciel soit couvert. Soit. Ne tergiversons pas, allons-y donc samedi.
Départ des 3 Fontaines. Première difficulté, toute psychologique : chasse en cours, il est conseillé d'être « visible ». Pas de problème : mes cornes de chamois sont peinturlurées en rose, pour une fois ça pourra me servir à autre chose qu'à faire glamour. Ils ne vont pas me louper. Par précaution, je prononce un Pater et 3 Ave (vite fait, je ne me souviens plus des paroles) car je me dis que dans telles circonstances le DVA ne sert à rien, d'ailleurs celui-là je ne l'ai même pas pris. Ceci fait, je bâte la mule. Je vous ai dit que je savais donc je ne vais pas chouiner « le sac était lourd et il fallut porter sur presque 600m ». Non, je sacrifie quelques gouttes de sueur et un peu de Vibram et j'assume. De toutes façons, il est hors de question pour moi, faible femme, de passer le Pas de la Miséricorde s'il est enneigé. Un autre Pater et 3 autres Ave plus tard (là non plus le DVA ne sert à rien,) le Pas, et l'éboulement récent qui va avec, sont franchis non sans une pensée pour l'infortuné David H qui, au printemps 2014, est tombé sur un jour sans miséricorde et dans le vide. Equipé de ses raquettes, il a avancé – sereinement ou non, ça nous ne le saurons jamais - sur ce sentier escarpé encore enneigé, peut-être glacé. Il a avancé sans savoir que ce serait son dernier Pas de la Miséricorde et son dernier pas tout court. Et nous non plus nous ne le saurons pas quand nous ferons notre dernier pas. A méditer.
Peu avant l'étable – euh non, la Combe des Veaux – il fut possible de chausser et dans la trouée quasi rectiligne qui mène à l'Alpage de Jusson de louvoyer entre cailloux, branches mortes et arbres tout aussi morts. Il était évident que ceci ne serait pas skiable à la descente. Mais à chaque jour suffit sa peine, la descente de ce bouzin, c'est pour demain. Pour l'heure, qui a avancé plus vite que moi, jouissons du paysage qui s'offre à nous à la sortie des bois. Le bleu du ciel n'est plus vraiment chartrousin. L'étrave de la Sure se détache là-dessus comme les Calanques sur le ciel de Provence. Au pied des falaises, quelques vaguelettes tassées par autre chose que le Mistral s'échouent contre les herbes fanées et quelques bouses de vache séchées, bien chartousines, elles. Et au milieu de l'alpage, la Cabane ! Réminiscences : l'Eternité de la Cabane (Maurice Chappaz, le valaisan).
Mais, Ô Rage, Ô désespoir, Ô brouillasse ennemie
N’ai-je donc tant grimpé que pour cette infamie ?
Rage et désespoir auront fait long feu : vers 20h30, au moment même où la lune avait conquis la Sure, le ciel était à nouveau clair. Contemplation, tentatives de photos. Puis, enveloppée de la douce chaleur du poêle, je goutte silence et solitude comme on déguste lentement, voluptueusement, au fond d'un vieux fauteuil crapaud, verre après verre, un grand vin. Le plaisir était décuplé par l'idée qu'à mes pieds, 1000m plus bas, dormaient du sommeil du juste (euh, faut le dire vite) quelques uns des membres les plus turbulents de Skitour, ignorants que, pour une fois, je me permettais de les toiser de haut.
J2
Que dire d'une journée splendide, battue par les vents où aucun but n'a été atteint et d'où l'on rentre heureuse malgré tout ?
Que j'ai quitté ma cabane alors que la lune s'entourait d'un dégradé de tons que mes skis n'auraient pas reniés.
Que les veaux ne sont sans doute pas skieurs car leur combe orientée S est sans doute rarement bien skiable. Et aussi que les veaux feraient bien de faire un peu de ménage : trop de choses qui trainent un peu partout.
Que la Velouse m'a accueillie dans la douceur de sa poudre et son ruisseau gazouillant.
Que le cheminement vers le refuge d'Hurtières était une splendeur samivelesque face à l'extrémité N des Rochers de Lorzier.
Qu'un irascible vent du S battait le col d'Hurtières qui ne lui avait pourtant rien fait.
Que j'ai renoncé avant le sommet, ne faisant plus le poids face aux rafales.
Que dans la douceur de Velouse, j'ai imaginé que ce serait mieux du côté de la Sure.
Que c'était illusion mais que j'y ai gagné une petite descente juste à point, de celles qui sauvent une journée.
Que je n'étais pas venue pour le ski mais pour la cabane, la lune, l'espace et la liberté de tenter ce qui m'était possible.
M'en suis-je bien tirée ? Ce n'est pas à moi de le dire.
Ce que je peux dire : les 26km A/R de chez moi au pkg de ce jour rachètent les kilométrages abusifs que je consacre à ma passion.