Départ : La Martinette (1050 m)
Topo associé : Rocher Blanc, Par la Combe Madame
Sommet associé : Rocher Blanc (2928 m)
Orientation : NE
Dénivelé : 1880 m.
Ski : 2.2
Faune : cet itinéraire passe près de zones sensibles. Voir consignes sur fiches topo
Sortie du mercredi 7 juin 2017
Conditions nivologiques, accès & météo
Pluie puis bruine puis brouillard puis grand beau.
Petit air frais et vent léger vers le sommet. Air purifié par les pluies de la nuit.Etat de la route : beaucoup d'animaux à côté et sur la route : chevreuils, renards
Altitude du parking : 1050m
Altitude de chaussage (montée) : 2100
Altitude de déchaussage (descente) : 2000 avec un déchaussage
Activité avalancheuse observée : RAS
Mince pellicule de neige fraîche (env. 0,5cm) à partir de 2000m sur fond bien portant. Skiabilité top du sommet jusqu'à 2100 et même encore après le déchaussage. Sur le bas, cependant, neige bien travaillée par la pluie (gaufrée)
Skiabilité : 🙂 Bonne
Compte rendu
topo - sentier d'été jusqu'au replat à 2000m
Hier, un indiscret m'a demandé « Tu fais quoi aujourd'hui ? ». J'ai dit : « Rien, je me repose par anticipation ». Vous pouvez en déduire et ma sage prudence et mon extrême lucidité.
Cette affaire s'annonçait sous les meilleurs auspices. La météo était plutôt optimiste ce qui est primordial car pour marcher aussi loin, une fenêtre de beau temps ne me suffit pas, il me faut une large baie vitrée.
Le réveil avait sonné..tôt, et du côté W de la Grde Sure (oui, vous avez bien entendu : du côté W) une lune déjà plus ronde qu'ovale était en train de terminer sa nuit entre quelques rares nuages fuyants annonçant une belle journée de juin.
A la Ferrière, que vois-je ? Il pleut ! Assez fort. A la Martinette idem.
Que faire ? J'y suis, j'y reste. Ça va s'arranger. Tous les animaux des bois et de la nuit paraissaient se gausser de moi. Déjà au bord de la route, je ne sais plus combien de renards, une fratrie de renardeaux aussi, rigolaient en douce, une chevrette me regardait perplexe et dans le bois ténébreux, un chat-huant me huait ; j'eus droit aussi à un petit « coucou » de qui de droit. Puis tout retomba dans le silence de la pluie.
Au 1er chalet de la Combe Madame, il ne pleuvait plus mais j'étais mouillée.
Au 2e chalet, j'étais presque sèche, mais là il bruinait.
Aucune neige à l'horizon mais y en aurait-il eu que je n'aurais pas pu la voir : un brouillard belledonnesque de qualité supérieure s'était invité pour la fête. Mais c'était peut-être mieux ainsi : j'aurais pu perdre courage en voyant les verts pâturages s'étendre jusqu'aux rocs. Mais, vu la hauteur de l'herbe, il était peu vraisemblable que la neige était à 5mn.
Comme il n'y avait personne pour s'en charger, je me suis encouragée moi-même. « Persévérons ou perversons ». Il en sortira bien quelque chose.
A 1900, j'étais toujours avec mes herbes mouillées, mes anémones soufrées et mes sauvages pensées.
A 1950, il s'est mis à neiger. « V'là autre chose !» me dis-je. Pour m'occuper, j'ai cherché quand j'avais vu pour la dernière fois la neige tomber. Je ne me suis pas souvenu.
A 2000, j'ai enfin trouvé de la neige au sol. Comme je ne voyais pas la suite des événements et dans un accès d'optimisme, j'ai chaussé. Las, 50m plus haut, il a fallu déchausser, traverser le bas de la moraine glissante et dégringolante. Enfin à 2100, l'enneigement a été continu. Merci les cairns pour me repérer dans la brume.
2300 : le miracle : le ciel se déchire et c'est un monde tout autre qui s'offre à moi : du bleu et du blanc et c'est tout. Les montagnes alentours discrètement plâtrées, du plus bel effet. Oubliées les affres de la nuit, de la pluie et du brouillard.
La descente ? J'ai bien cru que je savais skier : virages enchaînés sur 800m sans anicroche.
Si c'est la dernière sortie, elle tiendra le haut du pavé.
Or, comme, ces temps-ci, on ne sait jamais si on réalise la dernière, je vous ajoute un petit texte bilan de ma saison. Oh, non pas un bilan comptable. Pas de chiffres, juste quelques impressions notées au fur et à mesure des sorties et réunies un peu comme on fait une « confiture de vieux garçon » en fonction de la saison, de ce qu'on trouve et de ce qu'on a envie. Ensuite, on mélange tout et on déguste plus tard pour faire revenir la saison passée en bouche. Je suis sûre que vos impressions n'ont pas été tellement différentes des miennes.
J'ai en vie l'alme Taillefer et le calme Galbert,
Des vaillances et des nonchalances en alternance
J'ai en vie Champsaur, ses albes sommets et ses bocages saures,
Ses fontaines froides et ses aiguilles roides
J'ai en vie le Roi de Pierre et l'Alpetto d' Armando,
Des songes de brumes et des mensonges que je présume
J'ai en vie Cheval Blanc, Cheval Noir et Valgaudemar,
Des gemmes volés et des douleurs semées
J'ai en vie les bises des Belledonnes et des Grdes Rousses,
Des corniches ourlées et des glaces brisées
J'ai en vie des Ecrins doublés de moire et sertis de mémoires,
Des couleurs vermeilles et des jours de merveilles
J'ai en vie Mercantour, tours et détours,
Des mélancolies lézardées et des folies hasardées
J'ai en vie Grisons où le temps soupire et s'étire,
Ses hameaux ensevelis, ses vents coulis, ses nuits de roulis
J'ai en vie l'Ubaye, cieux profonds remuant les tréfonds,
Ses montagnes pêle-mêle et mes amies fidèles
J'ai en vie Arves, Vercors et bien d'autres encore,
Des nostalgies heureuses et des joies de gueuse
J'ai en vie toutes les étreintes de ma Chartreuse,
Ses ivresses et ses larmes de liqueurs pieuses
J'ai en vie des aurores ravies, des soifs assouvies, des beautés gravies, des espoirs en survie, et même un peu d'eau de vie.
Et aussi toutes les montagnes à la ronde et d'autres mondes
Celles de vos récits et de vos démons occis. Merci !
Que faut-il d'autre ? Madame est servie.