Départ : Vaujany: Le Collet (1400 m)
Topo associé : Pic de l'Étendard, Echarpe nord
Sommet associé : Pic de l'Étendard (3464 m)
Orientation : N
Dénivelé : 1700 m.
Ski : 5.4
Sortie du dimanche 3 juin 2007
Conditions nivologiques, accès & météo
Couvert le matin. Se dégageant mais apparition du vent vers 10 h.Etat de la route : Sèche. Je suis parti du col du Sabot
Altitude du parking : 2100 m
Conditions de neige :
Pas de neige jusqu'au col du Couard, sauf dans le chemin, ce qui permet de chausser assez bas.
2200 - 2400 m : pas de regel
2400 - 2900 m : regel médiocre, presque insuffisant à skis.
2900 - 3100 m : poudre tassée, croutée par le vent.
Echarpe N : une sorte de polente bizarre. Neige assez dure mais avec un bon grip, comme si ça avait mal regelé.
Couloir W : un peu de tout : crouté et polente principalement
Altitude de chaussage (montée) : 2050 m
Altitude de déchaussage (descente) : 2150 m
Skiabilité : 🙂 Bonne
Compte rendu
Qu'il a été dur à déclencher ce premier virage dans l'Echarpe...
Si j'ai voulu skier cette voie, c'est surtout à cause de cette photo :
Le virage parfait de Vincent Fiori, photo de Matthieu Bordin ...
En regardant la carte, j'avais vu que si j'attendais assez tard en saison, ça pouvait passer par le col du Sabot en faisant le tour des Aiguillettes de Vaujany. Avec un créneau météo pas trop long, ça devait pouvoir aller. Une photo sur Volopress 2 jours avant montre que le haut est assez lisse. Du coup, je tente ce matin, malgré la petite forme.
Arrivé au pied du couloir, ça semble bien raide, mais pas trop dans le haut. Et dans le bas on est protégé par la fameuse "epine dorsale". J'attaque donc dans une poudre assez inespérée, mais qui laisse rapidement la place à une sorte de polente. Cela dit, le grip à l'air plus que suffisant. Je monte donc en essayant de soulager de temps en temps les mollets, seul l'avant du pied s'enfonçant dans la neige. Le couloir permettant de remonter protégé par l'épine est en revanche goulotté, et les contre pentes sont incroyablement raide (je pense que la barre des 55° est franchie). Arrivé en haut de l'épine, le moment de vérité arrive : est ce si impressionant ?
Au début, j'ai l'impression que ça va, surtout que la pente se calme un peu. Mais au fur et à mesure que j'avance dans cette écharpe, les pas sont plus courts, plus prudents. Je vérifie que les piolets ancrent bien. Vivement les skis, je déteste quand c'est raide avec les piolets et crampons... En haut de l'écharpe, ca redevient raide. Mais la sortie est proche. Je commence à chercher un endroit ou chausser, mais je vais quand même jeter un coup d'oeil à la brêche, on sait jamais, il y a peut être de la neige derrière ?
Et là, surprise, il me semble que la traversée pour rejoindre le couloir W va être possible ! En plus, si je pars du sommet, j'ai plus à me galérer pour chausser dans du 55° pourri, ça va être plus relax... Une traversée pas trop enneigée plus tard, c'est gagné, je prends pied dans le couloir W, qui d'ailleurs semble tout plat ... Et à priori, je vais pas avoir besoin de déchausser à la descente. Le haut du couloir est bien enneigé, pas de problème et j'arrive le premier sur ce magnifique sommet. De l'autre côté, une vingtaine de personnes remontent le glacier. Je serai finalement parti avant qu'il arrivent...
Le couloir W n'est pas en neige terrible, mais qu'il semble tranquille en comparaison à ce qui va arriver. Je teste un peu le grip dans les contre pentes et essaye de me rassurer, ça va être tout bon. La traversée, bien que peu enneigée ne pose aucun problème et j'arrive à la brêche.
Et là, j'avais oublié ce détail, mais les 5 premiers mètres ne font que 120 cm de large. Mes skis 176 cm de long. Que faire ? Un déchaussage signifie devoir chausser dans la pente. Mais descendre en escalier dans les cailloux me semble risqué : il faut mieux pas s'en coller une à cet endroit. Finalement j'opte pour cette solution, tout doucement... et ça passe. Le grattonnage de spatule, c'est qd même le futur du dry tooling.
Et là, les choses sérieuses commencent. C'est bien bien raide, et quand même assez expo. Heureusement qu'on voit ce qu'il y a au niveau des barres (rien n'est masqué), sinon je pense que ça serait à peu prêt inskiable. Je commence à déraper sur un ou deux mètres, et là je trouve le grip moins bon que ce que j'avais imaginé... Me serai-je planté à la monté ? Est ce que les skis tiennent vraiment ? Du coup je décide de déraper encore un peu, pour assurer le coup. Je sors même le piolet, c'est franchement raide. Je dérape une dizaine de mètres, je ne suis plus du tout sur que mes skis vont mordre la neige après le virage. Et là, il y a pas à chier, il faut qu'ils mordent tout de suite. Pas le droit à 3 mètres pour ralentir. Qu'est ce que j'aimerais que quelqu'un pose un virage devant moi pour voir ce que ça donne...
Après cette dizaine de mètres d'hésitation, je trouve que la neige semble accrocher un peu plus. Et vu sa consistance, il n'y a pas de raison, ça doit tenir. Et même bien. Je range le piolet dans la bretelle, souffle un bon coup, reteste un coup la neige et je lance le premier virage, le plus court possible... et là, effectivement, la reprise de grip est parfaite, je m'arrête 50 cm sous ma trace précédent le virage. La pression retombe d'un coup, finalement ça va être tranquille.
Les virages suivants s'enchainent rapidement, et l'exposition semble beaucoup moins prenante. J'arrive assez rapidement dans le couloir protégé par l'écharpe, et là, c'est gagné. Il ne reste plus qu'à se faire plaisir sur ces contre-pentes vertigineuses, mais pas exposées, puis rejoindre le bas du couloir ou un reste de poudreuse me permets de m'échapper en grandes courbes...
Arrivé sur le replat du glacier pour ranger le piolet et souffler un coup, je me retourne et je me rends alors compte de ce qu'à voulu dire Romain lorsqu'il écrivait :
Mes yeux ébahis viennent de dévisager deux cent cinquante mètres de face écrasée par la perspective. D'ici, le majestueux couloir semble vertical. Il est encadré et dominé par d'austères passages rocheux, et il se détache ainsi formidablement de la massive face Nord du Pic de l'Etendard. La surprise est totale. Nous ne nous étions pas rendus compte de l'ampleur de la face quand nous étions dedans, le ventre presque collé à la neige, concentrés sur nos faits et gestes. Mais là, c'est un spectacle véritablement exceptionnel qui s'offre à nous. Nous restons là quelques minutes à contempler cette vue surprenante et très esthétique.
C'est exactement ça.
Le reste est moins glorieux : la descente dans la croutée pas assez regelée jusqu'au col du Couard ne sera pas un modèle de style et la remontée déneigée au Aiguillettes de Vaujany prendra un temps indécent ... Et puis encore croisé Squal et sa bande qui montait sur la route pendant que je descendais de Vaujany.
Mais quelle ambiance dans cette écharpe, quelle pente !!! Félicitation au BLMS pour avoir montré la voie jusqu'au sommet dans ce couloir qui restera un moment fort de la saison.