Départ : Chalet du Gioberney (sentier du Ministre) (1571 m)
Topo associé : Pas des Aupillous, versant Ouest
Sommet associé : Pas des Aupillous (3103 m)
Orientation : W
Dénivelé : 1580 m.
Ski : 3.2
Sortie du lundi 24 avril 2017
Conditions nivologiques, accès & météo
Beau temps agréable sans vent jusque vers 9h45. Puis passage soudain d'une perturbation très brèveEtat de la route : RAS - à part qq chutes de pierres
Altitude du parking : 1450m au bord de la route à l'intersection de la descente sur le Clot
Altitude de chaussage (montée) : 2000m (cabane du Pis) mais j'ai préféré tout monter en crampons
Altitude de déchaussage (descente) : idem mais on peut descendre une 100aine de m plus bas si on prend l'option rive g mais j'avais mes baskets rive D et je ne savais pas trop comment se passe le torrent
Activité avalancheuse observée : RAS ce jour
Suis descendue un peu trop tôt à cause de la menace de manque de visibilité de sorte que la neige n'avait pas encore décaillé mais c'était très agréable à skier quand même
Je mets une skiabilité correcte car si j'étais allée au bout j'aurais eu 1100m de ski pour 600m de marche, mais bon, faut ne pas craindre le portage
Skiabilité : 😐 Correcte
Compte rendu
topo mais à partir du refuge du Clot - arrêt à 2930m
C'était une collective du CAF (Club des Ambitieux Français). Une épreuve de montagne avait été organisée le 23/4 pour désigner un nouveau président. Ils étaient tous volontaires, mais pas bénévoles pour autant. 11 inscrits, visiblement 10 de trop.
Composée de profils hétéroclites, la troupe ne resta pas longtemps soudée. C'était à prévoir. Pour des raisons de sécurité, d'entrain ou d’entraînement variable, on ne sait pas trop, le groupe s'effilocha dès le départ.
Le premier à se décourager fut Jacques. Se croyant poursuivi par la Finance, il partit trop vite et se trouva devant le premier (et dernier) culot d'avalanche après le refuge du Clot, difficulté mineure qu'il n'eut pas l'idée de contourner. Pourtant, son patronyme pouvait laisser penser qu'il avait des atouts dans son jeu. Mais non : il jeta l'éponge, assurant qu'il s'entraînerait mieux pour la prochaine sortie quinquennale à laquelle il n'envisageait pas un seul instant de ne pas participer, plus par habitude que par conviction d'ailleurs.
Un peu plus loin, dans la nuit noire du vallon de la Séveraisse, laquelle couvrait ses claquements de dents, Nath fit entendre le camp des skieurs travailleurs (groupe d'électeurs minoritaire mais en rapide extension depuis que l'âge de la retraite ne cesse d'être repoussé) puis s'évanouit dans les buissons d'épine-vinette. Personne ne s'en inquiéta : c'était déjà chacun pour soi.
François A fit traîner le ptit déj puis en fit de même avec ses pieds, histoire de marquer son indépendance. Un renard glapit, il frissonna et comprit qu'en milieu hostile on n'est rien tout seul. Il essaya de rejoindre le groupe mais c'était déjà trop tard.
Philippe grelottant dans son T shirt parce qu'il ne sait pas s'habiller selon les circonstances, resta quand même sur la brèche et mis la journée à profit pour musarder et s'occuper enfin de sa vie et de ses aupillous.
Jean regardait le ciel pour savoir enfin quel temps était venu et, renonçant à la modernité de la pipette, bu à la régalade quand il cru entendre bêler une brebis, prétexte à rester à la cabane du Pis, ce qui lui évita de chausser ; de toutes façons, on n'avait pas trouvé de chaussures à sa pointure.
Nicolas, debout avant tout le monde, arriva à la passerelle alors que le soleil était déjà au zénith et déclara que, sans être fainéant, il n'irait pas plus loin : une passerelle c'est pour lui comme un chez-soi. Une marmotte, réveillée par ce tintamarre, siffla et Nicolas cru que c'étaient les forces de l'ordre et fut satisfait.
Benoît, lâché par les uns et les autres, senti son cœur battre la chamade, choisi la benoîte des marais comme emblème, au cas où, toujours un œil sur l'amont.
Quand on lui dit de monter sur les planches, J. Luc sauta sur le premier promontoire venu, se plaça théâtralement sous un croissant de lune mince comme une faucille et harangua le vide. « Ne mélangeons pas les brins dit-il, cette corde est notre force car elle servira à pendre nos oppresseurs, oui, à les pendre haut et court !». Et l'écho, ignorant la grammaire, répéta « Cours ! Cours !» Avant d'obtempérer, il ajouta encore : « Car les oppresseurs, c'est connu, viennent toujours d'en haut et les exécuteurs d'en-bas ». Un bouquetin, venu, lui du Giobernay, tapa du pied, fit rouler une pierre et apporta ainsi de l'eau à son moulin. Il ne sortit toutefois pas l'opinel ne voulant pas qu'on le soupçonne d'être soutenu par « Chasse, pêche et traditions ».
François F, freiné par les casseroles qu'il traînait soit-disant injustement, eut la volonté - ou l'entêtement d'un alpiniste d'opérette – de poursuivre, mais se croyant en territoire conquis, se fourvoya sur le sentier du Ministre.
Marine, après avoir mis longuement ses affaires en ordre pour donner l'exemple, ne ménagea pas sa peine : dans son sac, du ciment prompt pour boucher le Pas des Aupillous, le col du Sellar et la brèche de Philippe d'où pourraient venir des foules d'étrangers de Vallouise et du Vénéon pour se mélanger aux purs-sang chapellins.
Emmanuel se félicita de ne pas être venu en bus quand il vit qu'il n'y avait pas de gare routière au Clot, pas plus que de téléphérique aux Aupillous ou de canons à neige pour randonneurs dans le vallon du Pis. Il se frotta les mains, non pas parce qu'il avait froid, mais à la perspective de tous ces investissements potentiels. Enfin, il lissa pour la enième fois sa coiffure de 1er communiant et ronchonna parce qu'il fallait marcher, oubliant qu'il conseillait cette activité à la France entière depuis des mois déjà.
Là-haut, il n'en resta que 2 : chacun jeta son moufle droit, ils eurent le vertige devant le vallon des Bans rêvant aux bancs de l'Assemblée Nationale bientôt à leurs pieds, sinon à leur botte. Puis, ils se donnèrent rdv sur un autre névé pour le duel final.
La suite dans 2 sem...ou pas.
Quand je suis arrivée dans la vallée, l'épreuve était en train de se finir et je n'avais aucun moyen d'en connaître l'issue. Mais comme tout journaliste qui se respecte, je peux raconter les détails sans connaître les faits.
Dans la vraie vie, je suis allée voter, puis je suis partie et j'ai tenté d'oublier toute cette agitation. A partir de ce moment-là, j'ai voté blanc.
Blanc comme Xavier pour les dames, comme Xavier Blanc dans la nomenclature des refuges de l'Oisans.
Blanc comme les 11 bonnets venus ici la veille dans mon imagination, blanc comme la farine dans laquelle ils essaient de nous rouler.
Blanc comme le magnifique vallon du Pis qui, après s'être ébroué de quelques boules de neige et autres cailloux, avait déjà effacé la trace de leur passage.
Blanc comme le lagopède et le lièvre, qui ne le sont plus qu'à moitié.
Blanc comme l'arrière train du chevreuil qui s'enfuit dans les aulnes.
Blanc comme les fleurs de merisiers et l'écorce des bouleaux du Clot.
Blanc comme les neiges et les colombes de la paix que personne ne peut plus croire éternelles.
Mais, pourtant, blanc comme les lys de St Bruno et les asphodèles qui bientôt fleuriront ici.
Et blanc comme le livre de poésies de Georges Shehadé qui m'a tenu compagnie.
Plus concrètement, j'ai « raté » ma course à cause d'un phénomène météo aussi soudain que bref. Le temps s'est bouché à une vitesse incroyable. Je me suis demandé si c'était raisonnable de continuer. Sans visibilité, la descente pouvait être compliquée. Ma tête a dit « non » mais mes pieds ont continué. J'étais, pour une fois, en super forme. A 2930m exactement, mes pieds ont obéi et j'ai profité d'une moindre inclinaison du terrain pour faire ½ tour. Il me manquait si peu !
1/2h plus tard, tout était à nouveau dégagé, mais j'avais presque de nouveau retrouvé mes baskets. C'est quoi, cette vallée où les dépressions durent une 1/2h ? Chartreuse devrait en prendre de la graine. Si je n'avais pas fait de photos, je me serais dit « Taramont, arrête de skier/fumer la moquette, tu as halluciné ».
Ce qui n'empêche pas que la journée ait été merveilleuse.