Départ : le Désert en Valjouffrey (1260 m)
Topo associé : Olan, Couloir Occidental
Sommet associé : Olan (3564 m)
Orientation : N
Dénivelé : 1840 m.
Ski : 5.4
Sortie du dimanche 8 mars 2020
Conditions nivologiques, accès & météo
Le bon Dieu nous a laissé un ciel couvert afin de nous protéger des missiles provenants du sommetEtat de la route : t'as un pick up? Parce que t'en auras bien besoin...
Conditions de neige: couloir en poudre, qu'elle soit fraîche portée par le vent, à tassée, elle est toujours légère. Dans les contre pentes où la pente s'accentue au delà de la moyenne annoncée, elle est agréable mais avec une cohésion qui peut t'emmener un peu plus bas que souhaité si tu ne fais pas gaffe.
Condition du ressaut: quelques placages en neige sorbet permettant de monter sur les dalles. Aucune protection sur les 10 premiers mètres.
Altitude de chaussage (montée) : 1266
Altitude de déchaussage (descente) : 1266
Activité avalancheuse observée : la journée a été ponctuées par des *bbbooouuuuummmm* et des grognements tout droits sortis de l'estomac du Kraken pendant que les faces sud du vallon dégringolaient jusqu'en bas. Ambiance
Skiabilité : 🙂 Bonne
Compte rendu
Avec Olive (et Tom... mais il était malade, du coup il n'est pas venu)
Dans mes feeds FB, il y a un mois (oui je suis ringard, je ne suis toujours pas vraiment passé à Instagram), j'ai vu passer cette citation d'un himalayste russe qui disait à peu près ça:
"La montagne n'est pas ma religion, mais une cathédrale dans laquelle je viens pratiquer ma foi".
Ok je l'admets, c'est pompeux, sauf si on peut vraiment l'assumer.
Le mec est russe, il grimpe des 8000m, il y a donc des fortes chances pour qu'il ait perdu l'intégralité de ses doigts et l'intégralité de ses compagnons de cordée: il peut donc très probablement l'assumer.
Mais, cette phrase est, malgré tout, fortement engagée dans la lourdeur (on pourrait presque croire que c'est du Rebuffat).
Néanmoins elle laisse à réfléchir: quand on voit ces jeunes hauts savoyards ou isèrois se lancer dans ces pentes raides et exposées, pour mettre des virages obligatoires entre deux plaques de glaces et quatre rochers sur des faces suspendues, pour sortir une première, on se dit bien qu'il faut y croire, ou peut être même, croire.
Je ne me lancerai pas dans des élucubrations trop compliqués sur la religion, mais quand même, il faut de la foi pour faire ça...
Du coup, en repensant à cette phrase, sous cette impressionante face nord de l'Olan, je me dis que croyant, je le suis, mais pratiquant, probablement pas assez, vu ce qu'il se présente devant nous.
J'aurai presque envie de faire la remarque à mon collègue et compagnon de mésaventures, mais je me tais, et je garde ce moment d'introspection pour moi.
En aparté, si on compare le ski de rando à un religion (mamma mia!) on pourrait presque dire que cette saison j'ai été un peu déviant. Il est vrai que cette année les sessions hors piste en station ont été de mise, le cul vissé sur des télésièges, à bouffer du D- à la journée et les aventures en ski de rando clairement mises de côté.
Alors bon, faites pas trop chier, avec l'anticyclone qu'il y a eu en janvier j'ai préférer aller surfer pépouze au Maroc plutôt que publier des NIS comme la plus part des gens.
Malgré tout, quelques sorties en rando dignes de ce nom ont été faites. Mais le Haut Alpin étant parti vers des contrées lointaines et chaudes, j'ai décidé de la jouer safe, réchauffant des classiques.
Cette saison on a tellement poncé la Combe Madame avec la Marmottane, l'intégralité des Mouchillons, que j'ai préféré ne rien écrire plutôt que devenir un Julbont de ce vallon (alors soyons bien clair, total respect, rien à dire, mais voilà, il n'y en aura qu'un qui fait ça et c'est toi). Un petit coup par les pyramides à Arsine et un Sifflet des familles et rien de plus.
...
Quand on lève la tête vers cette cathédrale imposante, dégoulinante de spin drifts, on se sent très petits dans ce vallon perdu du Valjouffrey.
Cette cathédrale de roche, péteuse et intimidante, est même menaçante sous ce ciel matinal couvert de nuages.
On avance, la boule au ventre, la moustache glacée, n'essayant pas d'anticiper et de trop réfléchir à ce qui nous attend.
On essaie de se trouver une dernière excuse pour faire marche arrière jusqu'au dernier moment, même si en réalité on espère que la montagne nous accepte, qu'elle nous laisse assouvir nos pulsions.
Difficile de dire si celles ci sont bêtes et égoïstes, ou nobles et libératrices, mais elles nous poussent vers cet aimant de roche et de neige.
On avance donc inlassablement, pieux et prostrés, vers le cône du couloir, sans mot dire.
Après un ressaut houleux, qui nous aura coûté une corde de 30m simple brin (oui j'ai modifié la description du topo), nous avançons craintifs dans les méandres de ce couloir qui nous mène vers le sommet de cette montagne.
Arrivés à destination, nous creusons chacun notre plateforme suspendue, taciturnes, sans trop penser au vide glacial se trouvant derrière nous.
Les fixes sont bloquées en montée, les sangles de sacs sont tirées, le piolet glissé dans la ceinture et on regarde, finalement.
Le vacarme du silence qui règne autour de nous est pour moi assourdissant.
On se regarde, on sourit, la pression retombe, car maintenant, on le sait, on ne peut plus reculer.
Le premier virage est lancé.
Et là c'est le catharsis
On pense toucher le graal du bout des doigts, on virevolte et on chute dans ces pentes penchées, chargées de poudre, et on jubile, hilares, enivrés.
On ne sait pas vraiment pourquoi, mais on le fait.
On est heureux et reconnaissants.
On lui confie nos péchés, nos infidélités et les raisons de notre absence.
On se sent coupables, et on se confesse.
On jure de revenir, mais on sait déjà qu'on ne pourra jamais tenir toutes ces promesses.
Et elle nous laisse descendre, partir, rentrer chez nous, sains et saufs, avec en nous cette drogue dont elle seule tient le secret.
Bien belle journée en montagne que celle ci.
Longue et fatigante.
...
Non mais c'est bon je rigole, je ne deviens pas pompeux, on dirait presque du RFG à ses mauvaises heures (oui il en a, mais ça passe).
C'était de la balle, bonne poudre, direct de Colombie frère, la vérité du sang de la veine ouallah, grosses courbes dans la PowPow!
En vrai, quand j'y pense, je me dis qu'il faut vraiment avoir une vie chiante pour s'infliger tout ça sur nos jours de repos.
Bref
Plutôt que de rester sur une himalayste tchétchéne, je vous propose la citation suivante de ce bon vieux Lionel (mais non pas Tassan bande d'autistes, je veux parler de Terray):
"Le plus grand danger de l'alpinisme est sûrement l'inconscience de la jeunesse!"
Bon allé, à plus les conquérants de l'inutile!
La bise et Amen
Ps: on aurait quand même été mieux à trois à faire la trace, tocard...