Départ : St Dalmas le Selvage (1500 m)
Topo associé : Nice - Briancon, Saint Dalmas le Selvage - Montgenèvre
Sommet associé : Nice - Briancon (1800 m)
Orientation : T
Dénivelé : 10855 m.
Ski : 3.3
Sortie du samedi 23 mars 2019
Conditions nivologiques, accès & météo
Tempête de ciel bleu avec une vague de froid et un vent de nord mardi et mercrediEtat de la route : Sèche
Altitude du parking : 1500
Nous avons eu toutes les mauvaises neiges. De la glace, de la non décaillée, de la croutée, de la frisée, de la neige de printemps plus ou moins profonde, un peu de poudre tassée (infernetto) beaucoup de cailloux (Chiaslaras)
Altitude de chaussage (montée) : 1650
Altitude de déchaussage (descente) : 1700
Activité avalancheuse observée : RAS
Skiabilité : 😟 Médiocre
Compte rendu (par Phil'Ô)
Préambule :
Cela faisait 20 ans que j'en rêvai, je l'avais organisé avant d'être charge de famille et au dernier moment, 1 mètre de neige tombe et le risque qui grimpe à 4/5 m'avait fait renoncer... Et puis la vie a fait que je n'avais plus le temps pour ce genre d'aventure... Mais, cela était resté dans un petit coin de ma tête et pour mes 50 ans, mon cadeau a été de pouvoir enfin réaliser ce rêve...
Samedi 16 Mars : 1850 m D+ 10h00
La journée sera longue, car l'enneigement déficitaire cette saison nous pousse à ne pas emprunter le trajet plus court par le Pas de la Cavalle, mais à faire le grand tour de la Cime de la Bonette. L'ambiance est bonne au départ, malgré un sac bien lourd. Nous arrivons au Col de la Moutière en forme et nous glissons dans le fond du Vallon de Restefond. Pendant que je rejoins Doumé au Col, Patric se fait un A/R à la Cime de Restefond. La traversée jusqu'au Col de Raspaillon est tendue (neige dure ou croutée) mais au final on rejoint la route en adret assez vite. Punaise, il n'y a pas de neige en face Sud... au moins jusqu'au Camp des Fourches !!! D'ailleurs la fraise est à l'ouvrage et la route risque d'être ouverte dans pas longtemps (trop tard en ce qui nous concerne). Bref, on remonte sur le Grand Clot puis on décide de tenter la traversée sous la Cime de Pelousette pour s'épargner un peu d'énergie... Bin à bien y réfléchir, la prochaine fois on remonte jusqu'au sommet d'où la redescente sur le Col de Pelousette est bien plus aisée que cette traversée hyper exposée au dessus de barres... en neige pourrie qui plus est ! Je vais me prendre une boite et déchausser au pire endroit ! Vraiment pas top ! Mais bon, pas de bobo et je termine la traversée soulagé. Il reste à remonter au Pas de la Petite Cavale que l'on franchit à 16h00 ! Le temps de passer en mode descente et hop, on pensait arriver à 17h00 au refuge !!! C'est sans compter sur le long faux-plat de l'Ubayette qui en a fait souffrir plus d'un !!! On arrivera fourbus mais heureux à Larche à 18h15 !
Dimanche 17 Mars : 1150 m D+ 6h30
Nous quittons le refuge bondé par une petite entorse au règlement. Nous avons réussi à nous faire véhiculer jusqu'au Col de Larche pour diminuer la quantité de portage. Bon on va quand même se taper 45 min à pieds, mais c'est sans commune mesure avec ce qui nous aurait attendu par le Vallon de Rouchouse. Le bon côté, c'est qu'on va ajouter un Col (Gypière de l'Orronaye) au compteur ! Les vallons suspendus au dessus de Larche sont juste splendides ! Mention spéciale du jury pour le Col de la Portiolette ! Majestueux ! D'ailleurs, la redescente aura même été agréable à skier ! Top. Puis c'est déjeuner au Col du Vallonnet. Nous entamons la descente de cette étape qui est assez courte lorsque Patric décide de remonter au Col sans Nom. Doumé et moi attendrons l'ouverture du Gîte au soleil... On en profite pour soigner nos premières ampoules... Sauf que celles de Doumé sont trop douloureuses et il va bâcher là dès demain matin... Il va nous manquer...
Lundi 18 Mars : 1650 m D+ 9h15
C'est la journée que j'attendais le plus. J'en rêvais, j'en fantasmais, j'en salivais à l'avance ! Depuis le temps...
Ca commence par une remontée en rive gauche du Riou de Fouillouse puis une large virgule pour atteindre le Col de la Couleta. La traversée qui suit nous a été annoncée comme très sêche comparé à l'habitude... et bien les pierres sont effectivement bien présentes. Mais au final ça passe mieux que je ne me l'étais imaginé et le Col de la Gypière est atteint bien plus vite qu'attendu. Le hic, c'est que le ciel se voile un peu, il y a du vent et la neige ne décaille pas... La descente sur le Bivouac Barrenghi est juste pourrie et les traversées qui suivent pas meilleures. On chausse les crampons juste après le Lac de la Roche Trouée et on ne les quittera plus jusqu'au Col de l'infernetto. La neige est dure, le collet entre le lac et l'Infernetto a été labouré par des traces de pas... on reste donc en crampons pour éviter les manips. Arrivé au Col de l'Infernetto, Patric me dit que j'aurai mieux fait de prendre le piolet de Doumé... En effet, c'est impressionnant et le départ skis aux pieds est très tendu car la neige est toute rappée. En revanche, elle cramponne plutôt bien. On va donc rester sur la gauche, près d'un ressaut rocheux qui nous servira à la fois de "main courante" dans la désescalade et d'abris pour chausser les skis. La descente est bonne, mais courte car (le mur) Chiaslaras se dresse déjà devant nous. On va remonter en couteaux... Patric jusqu'au Col et moi jusqu'à environ 100 m du Col pour chausser les crampons... Le hic, c'est que derrière, pas de neige... Il faut descendre env 100 m de D- en crampons pour trouver les premières veines de neige skiables... Beurk ! M'enfin, le plus dur est derrière nous. Nous choisissons de ne pas franchir Marinet mais de descendre sur Mary (un bon choix à mon avis lorsqu'on voit la traversée pourrie au dessus des bergeries de Mary pour rejoindre le vallon). Le vallon de Mary est tranquille bien que sur une neige commençant à regeler... Après le verrou, dans la forêt c'est franchement Beyrouth ! Mais bon, le refuge nous tend les bras et on a hâte d'aller se poser avec une bonne mousse ! Excellent accueil du Gardien, bon repas et nous avions le refuge pour nous deux !!! Le top quoi !
Mardi 19 Mars : 2020 m D+ 10h45
La journée commence par un long portage jusqu'au plan de Praouart. Puis nous grimpons jusqu'à 2200 m sur la croupe dégarnie pour éviter le piégeux ravin de Salcette. Puis c'est skis aux pieds que nous rejoignons le Col Longet (oui, nous nous sommes accordés un crochet pour aller voir M. VISO de prés). Puis direction le Col de la Noire... en fait c'est ce qu'on croyait en suivant les traces... mais elles nous conduisent au Pas de la Farneireta... infranchissable. Un rapide point GPS confirme l'erreur... On redescend fissa et on enquille dans le ravin de la Noire en suivant d'autres traces... sauf que là non plus cela ne donne pas sur le Col... pourquoi ??? Tout simplement, parce qu'il n'y a plus de neige dans le passage qui ouvre sur le Lac de la Noire et le col !!! Donc plus de traces. Bon là on s'en rend compte plus tôt, mais on est con et on insiste en se disant que ça passera peut-être... bon, c'est passé mais c'est vrai qu'on a failli redescendre. Pendant cette montée, j'ai envisagé tous les scénarii possibles... Bivouaquer au magnifique bivouac du Col Longet... redescendre jusqu'à Chianale, dormir au refuge de la Blanche si on est cuits après une troisième tentative de trouver ce P.... de col !
Bref, on arrive enfin au Refuge de la Blanche et on s'accorde un coca avant de remonter jusqu'à Chamoussière. Patric, file et va carrément sortir le Caramantran ! Quel sanglier celui-là. On se retrouve au Col de Chamoussière avec le soleil rasant de fin d'après-midi. On arrive au refuge Agnel soulagés... L'accueil de son gardien va nous faire regretter d'avoir remonté Chamoussière en fin d'après-midi pour respecter la réservation... Adresse à ne pas recommander (nourriture et accueil)... et pourtant quel beau bâtiment !
Mercredi 20 Mars : 730 m D+ 4h15
-14° C au thermomètre lorsque l'on quitte le refuge... et c'est sans compter sur le vent qui burle... On franchit le Col de l'Eychassier transits... mais la descente derrière sera moins ventée et au final on remonte au collet sans nom de Clot Poulain dans une chaleur relativement agréable. La descente est moyenne mais passe assez bien. On franchit le ruisseau et suit le sentier qui malgré quelques déchaussages, nous permet de skier jusqu'à Ristolas. Là, en face de nous se dresse les 800 m de la face de la Collette Gilly que j'avais prévu de remonter... toute sèche !!! On opte pour faire du stop au moins jusqu'à Abriès... hyper efficace... dès la première voiture... on est monté directement Au Roux. Pendant que je bulle, traite mes ampoules et me requinque Patric remonte au Collette Gilly par la face nord enneigée pour boucler le topo et rester dans l'épure. Pendant ce temps, je modifie un peu les réservations du lendemain (nous avions prévu de dormir à Thures) car trop bas et surtout plus de neige...
Jeudi 21 Mars : 1675 m D+ 8h40
Objectif filer en Italie pour palier à la fermeture l'hiver du refuge des Fonts de Cervières... Alors ce sera via le Col des Thures. Vu l'enneigement très haut en altitude sur les faces sud, on porte 2h30 avant de mettre les skis. Puis, Patric va faire des prouesses pour tracer dans les pentes soutenues jusqu'au Col. Chapeau l'artiste ! Le côté Italien est immense et débonnaire en comparaison avec son pendant français. On va se laisser glisser sur des kilomètres dans un défilement de paysages magnifiques... On va même réussir à skier jusqu'à Rhuilles. La remontée jusqu'à Chabaud amont est rock n Roll car c'est carrément de la glace vive qui se trouve sur la piste/route... Mais à force de louvoyer le hameau fantôme est atteint. S'en suit une longue traversée sur une piste enneigée avant de fournir le dernier effort pour atteindre la magnifique Capanna Mautino ! Quel accueil... l'Italie a vraiment du bon. On nous allume le braseiro pour chauffer la salle de douche, on nous donne des cacaouettes avec la bière, on nous sourit ! Quelle différence avec deux jours avant ! Nous y étions seuls, et on s'est fait exploser la panse avec des plats divinement cuisinés ! Adresse à vivement recommander !
Vendredi 22 Mars : 610 m D+ 3h15
Matinée tranquille à remonter en direction de la Cime Saurel (où la remontée mécanique est étrangement arrêtée), puis après être descendus dans une croute immonde sur le Lac Gignoux on remonte jusqu'au Grand Charvia récupérer les pistes de skis de Montgenèvre. Dernière descente au milieu des skieurs qui ne se doutent pas de la merveilleuse aventure qui se termine là pour nous !
Épilogue : On prend un Taxi (réservé de longue date) jusqu'à Bayasse où le refuge Hôtel rénové à grands frais par le Parc National du Mercantour va nous accueillir pour notre dernière nuit. Nous sommes les deux seuls résidents qui n'appartiennent pas au groupe de 28 du CAF de Morteau qui termine son séjour annuel, mais en quelques minutes c'est comme si nous en étions membre depuis toujours.
Samedi 23 Mars : 900 m D+ 5h15 Remontée pas toujours aisée du vallon de la Braisse avec au sortir de la forêt le large plateau qui s'ouvre ! Quel spectacle. Nous arrivons au Col de la Braisse en même temps que Doumé qui est venu à notre rencontre. La dernière descente sera surement une des meilleures du raid... en neige de printemps juste revenue. Puis c'est portage jusqu'à la voiture... fin d'une aventure... Fin d'un rêve... Retour à la vrai vie... Mais avec des souvenirs impérissables.
Conclusion :
Le rêve c'est bien, ça permet d'entretenir l'envie... mais lorsqu'il se réalise, d'aussi belle façon, lorsque la réalité dépasse l’imaginaire, c'est une source immense d'énergie positive que l'on gardera pour toujours dans un petit coin de son cerveau pour affronter les moments difficiles.
Donc Merci à Patric, infatigable sanglier qui trace mieux que personne d'avoir partagé ces 8 jours de bonheur intense avec moi.
Merci à Doume de nous avoir accompagné durant ces 2 premiers jours (surement parmi les plus durs) et d'être revenu nous chercher au Col de la Braisse ! Quelle merveilleuse équipe !