Départ : Station 5 (2305 m)
Topo associé : Fujiyama, Versant NE: Kawaguchi-ko
Sommet associé : Fujiyama (3778 m)
Orientation : NE
Dénivelé : 2600 m.
Ski : 3.2
Sortie du mercredi 17 février 2016
Conditions nivologiques, accès & météo
Légers nuages le 17, grand beau temps le 18, très froid.Etat de la route :
Altitude du parking :
Altitude de chaussage (montée) : pas chaussé, tout en crampons
Altitude de déchaussage (descente) : ...
Activité avalancheuse observée : énorme avalanche assez récente dans le couloir NE. Partie très haut vers 3400 et descendue jusque plus bas que 2000m.
Lieu | Alt. | Ori. | Heure | Qté. | Type | Com. |
---|---|---|---|---|---|---|
1400-2600m | NE | 8h | Gelée | |||
2600-3800 | NE | 12h30 | Vitrifiée |
Skiabilité : 🤢 Mauvaise
Compte rendu (par Barnab)
Voir photo de la sortie
En voyage au Japon nous nous sommes dit que faire l'ascension du Fuji à ski serait la "cherry on the cake".
On avait amené notre matériel de ski + bivouac. Au vu des pentes nous n'avons pas eu la présence d'esprit d'emporter piolet et casque. Nous avions seulement pris les crampons alu.
En guise de carte nous avions imprimé la carte open street map en grand.
Craignant des conditions météo trop froides/ventées nous avons étroitement surveillé les bulletins meteoblue. S'accordant pour donner de belles conditions sur 2-3j nous nous sommes préparé pour faire l'ascension avec bivouac sur les 17 et 18 février.
Au départ de Kawaguchiko, ça s'annonce bien, on attend de voir comment est la neige là-haut en redoutant les importantes épaisseurs de neige tombées dans le courant de la semaine précédente.
Vers 15h, nous nous mettons à chercher un coin pour planter la tente. Nous avions lu le topo skitour et cherchions les différents lieux mentionnés.
C'est en arrivant vers 2400, pour voir comment c'était "- entre un paravalanche et l'arrière du bâtiment béton de la 5ème station 2390m coor GPS lat : 35.38580 long : 138.74697" que nous avons constaté que le-dit bâtiment avait était éventré par l'énorme avalanche survenue dans les jours précédents... Nous offrant un abris providentiel et sur-réaliste car en partie rempli de neige+glace.
Le lendemain, levé 8h, départ 9h, ascension en aller-retour.
La neige est tellement dure que nous montons en crampons. Ils se plantent bien, me laissant penser que les carres des skis tiendront à la descente.
Arrivée au cratère sur neige toujours aussi dure, un vent à + de 100km/h nous acceuil là-haut. Le 'vrai' sommet étant de l'autre côté et le vent mordant, nous nous préparons à la descente.
Le début de la descente n'est pas agréable, la neige vitrifiée et bosselée fait vibrer les skis. Nous hésitons un peu à descendre en crampons mais l'absence de piolet rend la chose peu agréable. Nous continuons tant bien que mal en cherchant des traces de neige soufflées où l'accroche est meilleure et la descente moins désagréable.
C'est vers 3450m que Mak chute et pars à glisser. Je suis 50m en dessous. Je me mets dans sa course et tente de l'intercepter. Choc, nous dégringolons, je parviens à m'arrêter mais elle poursuit sa glissade en prenant de la vitesse. Une vitesse incroyable sur une neige vitrifiée à ce point malgré la pente pas si raide.
Je la voie ricochet sur un rocher qui passait par là et disparaître en sautant un ressaut de 3-4m de haut...
Je pars immédiatement à sa recherche, "il suffit de descendre"... Je perds à mon tour le contrôle et me rattrape in-extremis à quelques mètres du ressaut. Ce n'est pas de la neige, c'est de la glace, les carres accrochent très (très) mal. Je n'ai JAMAIS vu une "neige", aussi dure et gelée soit-elle, de ce type là en France.
Je finis la descente en crampons et la retrouve prostrée dans la position de la chute, environ 700m plus bas de son point de départ. Elle s'est arrêté par chance dans de la neige accumulée par le vent dans la combe, vers 2750m.
Elle est consciente, les jambes répondent mais mal au dos, mal à la jambe, pomette en sang, incapable de marcher.
Après de grandes difficultés à faire comprendre aux secours japonais l'urgence de la situation, le besoin d'un hélicoptère ("it's expensive you know?") et où nous nous trouvions (ils parlent TRES mal anglais, ne comprend pas "we are at 2700m, east of yoshida trail), ils finissent pas envoyer l'hélico. Ce dernier nous "cherchait" en vol quasi stationnaire à 5km de distance (sans nous voir). Une heure et du portage en plus, il nous repère et tente des approches sans succès (trop de vent? trop engagé pour eux?).
Après 3h de lutte en mode survie en galérant à lutter contre le froid malgré les 3 couvertures de survies que nous avions, à envisager de devoir passer la nuit sur place à -15°C et des portages laborieux pour l'amener à un endroit un peu isolé du vent et plus accessible par hélico, ce dernier a enfin réussi à la récupérer, il était 17h20, soit près de 5h après l'accident.
Gros soulagement.
Résultat des courses : bassin fracturé en 3 morceaux, vertèbre L12 cassée à l'horizontal (fracture 'chance'), sacrum cassé, des hématomes un peu partout, des débuts de gelure sans gravité sur les fesses et au bout des doigts.
Elle s'en sort miraculeusement bien au vu de la chute qu'elle a faite.
Avec du recul, quelques facteurs qui ont conduits à cet accident :
- l'attirance pour un sommet "mythique".
- l'envie de skier absolument.
- le sous-équipement (pas de piolet)
- la sous-estimation du risque de glissade sur un cône de 3800m de haut, aussi peu pentu soit-il.
- le manque de connaissances sur les conditions "du monde", nous avons rencontrés une neige inconnue jusque là.
Dernier point : l'importance du climat.
D'après les observations météo et nivo, ainsi que les dires d'une locale sur les "entrées tropicales suivis de froids sibériens", il règne effectivement dans cette partie du Japon des variations phénoménales de température.
Quelques observations nivologiques :
- Lors de notre montée, il est clair qu'il y avait eu d'énormes charges de neige récemment.
- suivies d'un épisode très doux provoquant notamment l'énorme avalanche dont les traces étaient récentes. La fine couche de glace recouvrant le sol du bâtiment où nous avons bivouaqué suggère que les températures ont été positives.
- Nous sommes montés par des températures très basses, neige vitrifiée.
- Je suis remonté une semaine après l'incident chercher les affaires de bivouac laissées au bivouac. Les énormes boules de la coulées avaient fondu entre temps,
- il neigeait et il en était déjà tombé 20-30cm.
Un sac qui était parti dans la pente avec 3 skis accrochés dessus a été retrouvé ... 1 an et 2j après.
Si vous avez des questions, n'hésitez pas!