Départ : Terme di Valdieri (1360 m)
Topo associé : Collet Coolidge (Argentera), couloir Lourousa
Sommet associé : Collet Coolidge (Argentera) (3220 m)
Orientation : NW
Dénivelé : 1550 m.
Ski : 5.1
Sortie du lundi 2 avril 2018
Conditions nivologiques, accès & météo
Beau, vent faible, iso 0° 1500m en hausse à 2000m.Etat de la route : sec (jusqu'au moment où elle devient enneigée)
Altitude du parking : 1070m (Tetti Gaina)
1070-1320m Tetti Gaina-Terme di Valdieri : damée (gelée le matin, revenue vers midi).
1320m-1900m Torrent de Lourousa : transfo. Montée : Dure avec bon grip vers 10h. descente : un peu assouplie (iso 0° en hausse) vers 11h30.
1900-2235m montée au refuge : 5cm de fraîche (qui botte à la montée vers 12h/12h30) sur fond dur, un peu de polystyrène pas endroits. Moquette extra à la descente vers 10h30.
2235m-2400m moraines : 5-10cm de fraîche, 5cm de carton, 10-20cm de billes. Chiant à monter, extra à descendre. Ne voit pas encore le soleil (2/04).
2400m-2500m: croûte sur poudre compacte, ou croûte sur billes (mais excellent à descendre)
2500-2600m: compacte sur pas assez compacte… (mais excellent à descendre)
Altitude de chaussage (montée) : 1076m
Altitude de déchaussage (descente) :1075m
Activité avalancheuse observée : RAS mais menaçant
Skiabilité : 😄 Excellente
Compte rendu
Topo mais arrêt à 2500
Une bonne course se prépare avant de chausser les skis, c’est bien connu. Là, j’ai mis toutes les chances de mon côté :
1° météo : elle est formelle, il n’y a que dans le Mercantour qu’il fera beau 2 jours d’affilée ce week-end;
2° bulletin nivo : risque 2, alors qu’au Nord c’est 3 ou 4;
3° topo: facile, c’est tout droit;
4° approche: le capitaine Haddock est formel, c’est plus rapide par Modane, plus court par Gap, donc je pars par Modane, ses bouchons, son péage monstrueux, et je rentre par Gap, ses mélèzes, ses lacs, son col de Larche…
Et, hop, il n’y a plus qu’à chausser les skis, et voilà…
Mais, comme d’habitude il y a plusieurs façons de raconter la suite de l’histoire :
1. Un peu surfait, ce Lourousa. déjà sur les photos, on voit bien que le 50°c n’y est pas. Alors quand j’ai vu qu’il n’y avait que 750m à monter (un petit Chamechaude du dimanche, quoi),je me suis dit que cela ne valait pas le coup et j’ai préféré redescendre pour ne pas rater le risotto de la Mamma. Hum, hum, moi-même j'ai du mal à y croire… :-(
2. Ces Italiens, on comprend pourquoi ils ont inventé Pinocchio. A première vue, la montagne est blanche de neige. Une fois sur place, tu t’aperçois qu’ils ont saupoudré de polystyrène sans lésiner sur les quantités, avec un bel assortiment de tailles de billes. Bref,
"paroles, paroles, paroles,
ils sont comme le vent qui fait chanter les violons
Et emporte au loin le parfum de la poudre
Caramels, bonbons et chocolats,
Par moments, je ne les comprends pas"
(Dalida De Benedetti)
3. Ma, vous me reconnaissez, il y a autre chose à dire ;=). Genre, un grain de sable dans un bon plan :-(.
Tout commence par 5km de ski de fond (de vallée). J’ai beau ne pas être compétiteur de ski-athlétisme, cela fait toujours un peu bizarre de lire « ait.1187m » un quart d’heure après avoir lu « alt.1180m » un quart d’heure avant sur le panneau précédent. 28m/heure, y en a qui vont se foutre de ma gueule :-( Il n’empêche: un jour, j’ai atteint le sentier qui monte au vallon de Lourousa.
Mélèzes, chamois, neige transfo avec bon grip, forza ! Jusqu’à la pente sous le bivouac Varone : bottage (normal, vu la forme de l’Italie) et fatigage.
Mais j’arrive au tas de neige qu’on appelle bivouac Varone. J’ai bien fait de ne pas partir la veille : dans le brouillard, pas sûr que j’aurais trouvé la cabane : seul un petit morceau de toit dépasse de la neige. Super, cela faisait longtemps que je n’avais pas joué de la binette (bien plus physique que la binouse)… Au début, c’est facile, un coup de pelle, et le bloc de neige part dans la pente ; 1/2h plus tard, faut aller au charbon ; 1 heure plus tard, je commence à trouver que la solitude n’a pas que des avantages ; 1h1/2 plus tard, je me dis qu’il faut que je reprenne le tunnel 5m plus loin si je veux pouvoir entrer (voir la porte, c’est bien, l’ouvrir c’est mieux). Au bout de 2h, j’arrive à faire sauter la targette qui avait gelé dans le penne et le cadre de la porte métallique qui avait gelé dans le chambranle. Mes craintes de devoir bivouaquer à côté du bivouac s'estompent : elle est pas belle la vie ?
Oui, elle le serait si le soleil n’avait pas déjà disparu derrière le Corno Stella, dont le rocher est bien meilleur à grimper que celui du Mont-Aiguille (auquel certains le comparent pourtant) mais tout aussi opaque :-(. Je me sens l’âme d’un gelatti au fond du congélateur… Mais comment font les Eskimos ? Cela dit, l’endroit est calme, rien d’autre à faire qu’admirer le parquet et les ombres qui tournent autour du vallon, et l’isotherme n’est pas trop méchant. Le soir qui s'étend sur l'alpe est toujours un grand moment de sirénitude quand on est en montagne…
Le meilleur reste à venir… Le lendemain matin, lever en pleine forme (c’est pas tous les jours qu’on peut dormir 10h d’affilée sans un bruit), le gaz n’a pas gelé et l’iso a monté un peu comme prévu. Yapluka ! Pas de rodage : dès le départ, je dois brasser dans 10-20 cm de neige polystyrène parfois couverte d’une croute un peu cassante. Bah, je ne vais pas faire 1/2 tour au moindre prétexte. J’arrive ainsi au pied du couloir. La pente et moi passons très vite de 25 à 40°. Je sonde, je sonde, mon esprit et la neige —pas du tout envie de rigoler de cela avec Pierre Desproges—, mais j’avance : cela fait quelques conversions que le polystyrène a disparu. Mais sous la poudre de surface une couche dure dure un peu trop. Stop. Mais bon, dessous je ne trouve pas de couche fragile, alors je repars. Mais vers 2500, stop : changement de consistance, cela devient une vraie plaque… :-( J’en ai pourtant fini avec le cône, alors j’insiste un peu. 50m plus haut, stop : la couche supérieure est bien compacte et épaisse, mais dessous c’est devenu friable en diable. Allez, un dernier essai, si je vais jusqu’aux rochers là-bas… Je repars, 2m, 3m…. Meu, mais est-ce que tout cela vaut la peine ?… Ben, non. Stop… Oui, mais plus haut la neige devrait être meilleure… Oui… peut-être… sans doute… mais d’ici là ? Rââââââââââââhhhhh, stoooooop, je m’ordonne de m’arrêter ! 1/2 tour et qu’on en finisse !!! Mais nom d’un Bonatti, que ce fut dur de renoncer à cette neige qui semble excellente à skier dans une pente excitante
De fait, la descente fut juste parfaite, neige portante avec 5-10cm de poudre aux éclats puis moquette à poil 1/2 long… Et les 5km de route entre caniches, raquettes et mamies fut un divertissemente…
Bref, une intéressante version italienne du yin et du yang, du blanc et du noir, du chemin et du but…