Départ : Nid-D'Aigle (2370 m)
Topo associé : Aiguille du Goûter, Grand Couloir Ouest
Sommet associé : Aiguille du Goûter (3863 m)
Orientation : W
Dénivelé : 3550 m.
Ski : 5.2
Sortie du vendredi 22 mai 2020
Jb de Miscault, Lesvieuxgarcons
Conditions nivologiques, accès & météo
Belle nuit étoilée et douce. Quelques voiles nuageux sans conséquences. Léger vent d'ouest au sommet
Etat de la route : très raide.
Altitude du parking : 1400
On chausse au nid d'Aigle sur de la neige de névé qui sent la moule, rougie par les algues. Très bon regel.
Le chemin d'été est partiellement enneigé sous tête Rousse, rendant l'accès bien exposé, on aurait mieux fait de monter par le couloir. A partir de 2900m, bonne neige transfo bien lisse. Le Gd couloir O du Goûter était parfait à 14h. Rappel de 15m depuis la terrasse du refuge pour y accéder sereinement, deux passages un peu étroit dans le haut, ensuite ça déroule jusqu'à la rimaye bien bouchée.
Dôme du Goûter en neige froide durcie par le vent, pas désagréable à skier.
Pente d'accès à Vallot majoritairement en glace sauf un passage de 5m de large en rive droite.
Arête des bosses avec quelques passages glacés, sinon neige froide.
Haut de la face N du Mt Blanc en neige froide dense très bon à skier
Altitude de chaussage (montée) : 2350
Altitude de déchaussage (descente) : 2350
Activité avalancheuse observée :
Skiabilité : 😐 Correcte
Compte rendu (par Jb de Miscault)
Thônes - col des Aravis - le Crozat - Goûter par la voie d'été - Mt Blanc - haut de la face N - Goûter gd couloir O - Crozat - col des Aravis - Thônes (Vélo aller 59km et 1700d+, retour 59km et 1000d+)
Il est des rêves qu'on croit irréalisables, celui-ci en faisait parti. Un truc que j'avais envisagé à la suite de la traversée des Aravis l'année dernière, mais qui devait à coup sûr se solder par un but. J'avais testé une fois le vélo-ski à la Gde Balmaz et finalement validé l'idée, mais le couloir O du Goûter était resté bien trop sec à mon goût. Pour tenter de me convaincre que c'était faisable, j'ai emprunter le même trajet en juillet dernier en mode vélo-alpi. Je suis rentré lessivé, et à moitié rassuré en me disant qu'avec le matériel de ski en plus sur le vélo ça ne rendrait pas les choses plus faciles.
Depuis début mars je commençais à guetter les conditions en espérant un créneau pour tenter le coup. Le confinement aura eu le mérite d'aiguiser ma motivation, mes jambes sur le home-trainer et de me permettre d'avoir du temps pour observer les webcam.
Le problème avec ces projets un peu débiles, c'est que les potes ne se bousculent pas pour venir. Et puis il y a une semaine, je propose à Arnaud qui se montre immédiatement super enthousiaste. Ca me soulage d'un poids de ne pas partir tout seul, et autant dire que Pauline aussi. Suite à mon passage à la Verte du WE dernier, DZ un ancien sportif grenoblois sur le déclin (l'âge n'aidant pas) me contacte et je lui propose l'idée. Hyper motivé lui aussi, je me dis qu'à trois on a encore plus de chance de réussir. Finalement, prétextant d'obscures raisons familiales il se dégonfle.
Ce qui est bien avec ce genre de projet c'est que la logistique et la préparation prennent presque autant de temps que la réalisation. Penser à la quantité de nourriture, d'eau (un immense merci à Toto pour les bouteilles déposées à St Gervais!!), préparer le matos et harnacher la monture. Mais comment font ceux qui vélo-skient régulièrement? Inquiet devant le poids et la quantité de matériel à emporter j'ai poussé le vice jusqu'à peser les chaussette ou les mousquetons...
Jeudi à 21h, Arnaud débarque à la maison. On finit de charger les vélos et 20 minutes plus tard on décolle, lourdement pour ma part avec une monture très instable. Le rythme est dès le début tranquille, inutile de se cramer au départ, ça va être long, et puis j'ai l'impression d'avoir des jambes en carton aujourd'hui. Il n'y a pas trop de voitures sur la route, et on papote tranquillement dans la montée au col des Aravis pendant que la nuit tombe. On bascule de nuit versant Giettaz, dans une descente prudente mais frigorifiante. La traversée de Megève est incroyablement déserte, mais on a tout de même le droit à une "visite" des gendarmes étonnés qui demandent à Arnaud où on va...
Arrivés à Bionnay, la première côte vers le Crozat met immédiatement dans le bain, on arrête de rigoler, on serre les dents "et le reste aussi". Déjà en temps normal c'est raide, mais avec les vélos bien chargés sur l'arrière, ça vire à la séance endurance de force, obligé de zigzaguer pour monter. Sur la fin, les roues avant se soulèvent et un bang bien sonore signale une bonne chute pour Arnaud, sans trop de bobo heureusement. On finit donc les quelques mètres qui nous restent à pied, ce qui n'enlève toujours rien à la bonne humeur d'Arnaud.
Une fois garés au Crozat, on prend le temps de se changer pour passer en mode trail et de refaire les sacs du mieux possible. Bien chargés, on repart un peu après 1h30 direction la voie de Tramaway du Mt Blanc, certes pas le chemin le plus bucolique mais qui s'avère être très efficace. Arrivés au Nid d'Aigle on peut enfin chausser les skis dans une neige de névé bien regelée qui sent la marée. Je pensais observer les conditions du Gd Couloir O pour décider de la voie de montée mais il fait encore noir, on s'oriente donc vers la voie d'été, au moins on est à peu prêt sûrs de sortir en haut sans encombre. C'était sans compter sur des passages bien exposés sous Tête Rousse et un crampon capricieux pour Arnaud qui nous aura valu un peu de stress. On a droit malgré tout à un somptueux lever de soleil, puis à une montée du Goûter bien plus agréable que l'été.
Une fois passé le refuge, le rythme ralenti très nettement, on cherche notre souffle mais paradoxalement, c'est à ce moment là que je commence à enfin avoir des jambes. La montée au Dôme est malgré tout interminable, et on est bien content de rejoindre Vallot. Un passage en glace vaut à Arnaud un nouveau problème de crampons, qui la mort dans l'âme mais très prudemment décide de ne pas aller au sommet. Je mets donc les gaz avec ce qu'il me reste de jus pour aller au sommet. Le cheminement sur l'arête est plutôt agréable, et me permet de repérer sereinement la descente. Grosse émotion au sommet, je suis tout seul, personne ne monte aujourd'hui. J'essaye de ne pas me laisser aller et de ne pas traîner, la journée n'est pas finie.
J'attaque la descente par le haut de la face nord, en bonne neige froide dense, avant de traversée vers l'arête pour retrouver Vallot et Arnaud toujours souriant, malgré le fait que je l'ai un peu abandonné...
Comme d'habitude la remontée au Dôme passe bien, et on profite de la vue incroyable dans la descente vers le refuge du Goûter. Un rapide coup d'oeil depuis la terrasse permet de confirmer que le grand couloir Ouest semble bien rempli. On prend le temps de souffler, et d'installer la corde sur la balustrade, le soleil n'est pas encore dans l'axe. Un rappel de 15m permet à Arnaud de confirmer que les conditions semblent bonnes. Le temps que je m'équipe et que je range le rappel et tout le barda, Arnaud est déjà bien bas. S'il m'avait vu en montagne, pas sûr que Gaston aurait confirmé sa Maxime à propos de la Verte!
Le couloir est en transfo parfaite, et de vaguement étroit dans le haut, il devient très large sur le bas, mais toujours aussi lisse. Seules quelques coulées au dessus de la rimaye ralentissent un peu le rythme. On se laisse glisser tranquillement en rive droite du glacier, dans une neige de plus en plus rouge et collante. On déchausse vers 2300m juste au dessus du sentier du Nid d'Aigle et on en profite pour repasser en mode trail, enfin en calbute pour moi, le verdict du poids l'ayant emporté sur celui du style. Nul doute que les quelques personnes croisées auront apprécié le spectacle. La descente sur le Crozat contrairement à l'été dernier est hyper agréable, on a le temps de papoter encore et de profiter de la vue toujours aussi dingue. Arrivés au parking, je retrouve ma monture, et Arnaud sa douce venue à notre rencontre.
Nouveau changement de tenue, en mode cycliste sans maillot, décidément ce n'est pas la journée du style! Je prends le temps de bien manger et boire, j'ai souvenir que le retour de cet été avait été bien bien long.
Début de descente hyper prudent dans les raides pentes du Crozat gravillonnées, d'autant plus avec mon vélo chargé à l'arrache. Ca file ensuite beaucoup plus vers St Gervais, où je croise pas mal de promeneurs et de cyclistes interloqués. Les pentes jusqu'à Flumet sont douces et il y a peu de circulation sur la route, j'en siffloterais de plaisir si je pouvais. Faute de pouvoir siffloter je mets une compile "motivation pour le sport" à fond sur mon téléphone et passe en mode combat dans les premières rampes du col des Aravis. Je m'étais préparé mentalement à un calvaire pour ce dernier obstacle, et finalement je me retrouve dans le dernier kilomètre d'ascension à savourer cet ultime effort. J'arrive au col des Aravis la bouche sèche et l'oeil bien humide, il ne me reste qu'à me laisser rouler sans effort jusqu'à Thônes pour retrouver la p'tite famille. 19h20, retour à la maison, la douche à un goût de paradis, la pizza encore plus, mais la bière "m'a tuer".
PS :
- Désolé pour ceux qui n'aiment pas le côté "je raconte ma life" de skitour, ils sont servis
- Un immense merci à Pauline de supporter mes bêtises
- Bravo et merci Arnaud d'avoir accepté de m'accompagner dans ce projet. Il compile en ce moment une belle vidéo