Sortie du dimanche 7 avril 2024
giiums, Cyrille38
Conditions nivologiques, accès & météo
Météo/températures : J1: léger voile d'altitude, se découvrant progressivement en journée, léger vent du Smilieu d'après-midi, ISO 4000... J2 : assez voilé et couvert, ciel chargé de sable, assez fortes rafales du S, visu correct dans l'ensemble malgré du jour blanc qui n'a pas gâché la journée
Conditions d'accès/altitude du parking : route noire jusqu'à la Bérarde.
Altitude de chaussage/déchaussage : ski continue à partir des 2/3 de la montée au Carrelet
Conditions pour le ski : dur matin J1 en W puis moquette (attention horaire) ; aucun regel le dimanche, super sur glaciers Rouies, 1* dessous
Conditions nivo et activité avalancheuse : RAS sur l'itinéraire, nombreuses purges naturelles observées notamment sur les flancs N du vallon du Chardon et NW sous le Coolidge. On entend des purges dès le milieu d'après midi du Carrelet.
Activité avalancheuse signalée dans la zone ce jour, voir la carte.
Skiabilité : 😐 Correcte
Compte rendu (par giiums)
La Berarde et moi nous étions quittés sur une 2 déconvenues. Notre saison 2023 s’y terminait début mai sur 2 buts consécutifs (col de la Case déserte puis sur le tour des Têtes du Replat du fait d’une neige déjà trop ramollie suite mauvais regel) et mon pied venait à s’y fracturer l’été dernier sur une de belles parois de la tête de la Maille. Je me devais donc de me réconcilier avec ce petit hameau qui a des airs de bout du monde, Mecque de l’alpinisme et du ski de montagne sauvage et préservé.
En début de semaine dernière, en voyant que la route rouvre vendredi 5, l’opportunité se présente. Jeudi soir, fiévreux et affaibli, je doute et commence à considérer le scenario de la malédiction. Vendredi, le nez se débouche et je commence à retrouver de la forme. Le rdv est pris ! La réconciliation sera actée :)
[Retour courses]
J1 : Lyon -> La Bérarde -> Col des Avalanches -> Ref du Carrelet
Réveil 2h50 pour départ Lyon Mermoz (le temps de récupérer les copains) à 4h. Départ Bérarde ski un peu avant 7h. Montée au Carrelet fastidieuse : 1er tier en portage, 2e tier succession de portage et ski, 3e tier skiant. Arrivé au ref à 8h15, 4 des 10 lits sont déjà occupés ; on pose nos affaires sur 3 autres. Les places restantes seront chères. Dep. Carrelet à 8h30 montée à nouveau très fastidieuse au refuge de Temple Ecrins : la pente est parsemée de sapins qui rendent la progression hors du chemin d’été compliquée. On s'essaie d'abord au goulet d'avalanches avant de rejoindre le chemin que l'on suit parfois ski aux pieds parfois à pied quand il n’y a pas assez de neige. On s’enfonce, on glisse, on chausse, on déchausse.. On perd du temps et de l’énergie. Passage au niveau du refuge (quasi entièrement sous la neige – on ne voit que le toit qui dépasse légèrement) et montée dans vallon en direction du col du Fifre sur neige dure. Les skis chassent, ça passe sans couteaux (pas confort). On retrouve de la neige décaillée autour de 3100/3300, d’abord en W puis en S (le glacier tourne) – elle serait déjà bonne à descendre, on se dit qu’il ne va pas trop falloir tarder. Arrivée à 13h30 au col. Début de la descente : c'est déjà un poil tard, la neige en S est déjà bien gorgée d’eau. Moquette 4/5* dès que le glacier tourne et est orienté W - sur les pentes qu’on avait trouvées dures le matin - jusqu’au-dessous de Temple Ecrins. Puis on retrouve le chemin d’été : slalom entre les arbres dans la limite du possible puis passage en mode sanglier on finit de descendre dans le vallon à pied.. Retour de ref un peu avant 16h.
En somme : c’est top au-dessus de Temple Ecrins, au-dessous c’est vraiment fastidieux. Un vallon qui se mérite avec une approche fastidieuse, à faire plus tard en saison quand il n'y a plus de neige sur le sentier pour chaussage à Temple Ecrins.
J2 : Ref du Carrelet -> Les Rouies -> La Bérarde -> La Cordée -> Lyon
Départ 5h15. Aucun regel. Traversée ruisseau pas de pb. On remonte le vallon du Chardon en traversant de nombreuses coulées sur les flancs rive droite, sans difficultés même si le regel aurait aidé. Retour lit du vallon autour de 2100/2200m. Neige pas regelée mais n'empêche pas la bonne progression. Remontée du glacier jusque sous pas de l’âne où on se fait doubler par un couple de sexagénaires qui était avec nous au refuge et qui vont aussi au Rouies. On échange qq mots et on les suit jusqu’au bout du glacier pour remonter une pente S à 45 et rejoindre le glacier des Rouies via passage expo en traversée (on avait pas lu de topo empruntant ce petit couloir – on appellera ce passage la voie des Anciens. Nous ne sommes donc pas passer par le passage de l'Ane). Sur le glacier on se fait cueillir par le vent ; neige soufflée. On progresse jusqu’au plateau où le vent tombe. Neige portante. Remontée des pentes sommitales par les pentes NE. On recroise nos colocataires d'un qui descendent et 2 gars en provenance du Pigeonnier. Convergence de l’Isère et des Hautes Alpes. Descente glacier sur neige 4* dans un panorama magnifique, jusqu’à revenir sur glacier du Chardon. Là la neige est gorgée d’eau, c’est d’abord 2* puis 1* (pour ne pas dire pourrie) sur la moitié basse du vallon qui nous ramène au Carrelet - longue descente. Retour à la Bérarde (encore une heure).
En somme : c'est top à partir du glacier des Rouies, en-dessous c'est pas très intéressant. C'est long (20km) - à ne pas négliger pour l'horaire. L'ambiance haute montagne sur le plateau des Rouies très sympa et le panorama du sommet à couper le souffle (nous s'était légèrement ensablé).
[Fait divers refuge du Carrelet]
A notre retour au Refuge du Carrelet, nous constations que les derniers lits de dispo étaient occupés. Pour ceux qui n’y sont jamais allés : le ref d’hiver du carrelet est une pièce de 7mx3m, où les lits superposés occupent +80% de la surface au sol ; on trouve également une petite table de 4 et une commode. Le lieu est donc petit pour 10 personnes.
A 18h, alors que tous les occupants du soir profitaient de la douceur du moment, un groupe de 8 personnes arrive au refuge. Idéalement positionnés, nous débutons la discussion avec le leader actant le problème et réfléchissant à des alternatives : igloo, nuit à la belle étoile, montée à Temple Ecrins.. Le leader, accompagné de 2/3 personnes, navigue sur la terrasse, visualise le refuge d'hiver et fait comprendre aux locataires du soir qu’ils ont l’intention de dormir à l’intérieur, par terre, en sortant les tables et les bancs. S’en suit une discussion houleuse avec un quinquagénaire et un sexagénaire fermement opposés à ce scenario. Eux avaient disposés leurs affaires sur les lits (comme il en est d'usage pour réserver son lit en refuge non gardé) en début de journée et refusait que nous nous entassions à 18 dans un refuge de 10. L’entêtement des leaders du Groupe de 8 nous a conduit dans une logique d’opposition alors que nous aurions pu trouver une alternative collectivement. Miroir d’une société qui peine à se comprendre, dialoguer et faire unité. Une proposition d’accueillir 2 personnes supplémentaires sur les lits et 2 personnes au sol + de leur fournir les couvrantes leur est faite. Après délibérations, le Groupe décide de redescendre à La Bérarde.
Le leader emmenait des débutants, urbains, pour une ballade d’initiation au ski de rando / en raquettes. Ils avaient l’intention de faire le début de la course des Rouies le lendemain. Le scenario du refuge complet n’avait pas été pris en compte puisque qu’aucun matériel de bivouac (matelas / tente / ni même duvet) n’avait été emporté. Chacun jugera du combo nombre de participants x heure d’arrivée au refuge x capacité à envisager des plans B x compétences et expériences de montagne des participants x choix du refuge (10 places) et de la course (début scabreux et inintéressant – pourquoi ne pas les avoir emmené au Chatelleret voisin + grand avec un vallon offrant une vue magnifique sur la face S de la Meije ??).
Alors que le sommeil tardait à me gagner ou que nous remontions le vallon du Chardon, je m’interrogeais : aurions dû nous entasser dans ce refuge et accueillir ces jeunes gens, quitte à leur céder notre place à l’intérieur pour ceux d'entre nous aguerris aux bivouacs et dotés de matériel pour dormir dehors ? Avions nous été égoïste ? En réfléchissant aux tenants et aboutissants de la décision que nous, locataire du soir, avions prise, j'avais la sensation que 2 mondes s’était opposé : d’une part celui des montagnards qui pratiquent dans le respect d’un code moral intemporel empreint d’usages et de règles tacites, ciment du savoir-vivre ensemble là-haut, et d’autre part le monde "non montagnard" (de nos jours souvent urbain) en quête de libertés et d’aventures à tout prix et inconscient des usages et codes en place. En agissant tel que nous l'avions fait, nous nous sommes portés garants de notre code et de ses valeurs qui régissent et permettent notre pratique de la montagne. Comme la montagne, ces règles sont parfois cruelles mais elles sont indispensables au savoir-vivre ensemble là haut.